. porcelaine Archives – Atelier du verre mousseline
 

le pavage idéal et le verre dévitrifié par Stanislas Ferrand

Le pavage idéal et le verre dévitrifié est un texte paru en 1900 dans le journal “Le bâtiment”. Il relate une conversation entre le directeur du journal, Stanislas Ferrand, éminent architecte de l’époque, et un certain Mr Boreux inspecteur général des ponts et chaussées. La rencontre se passe à Londre et le sujet de la conversation tourne autour de la recherche du pavage idéal pour les rues de Paris…

journal_le_batiment

Action du journal “Le Batiment”

Rappel : le verre dévitrifié Garchey

De la pierre en verre

Pour rappel, la pierre de verre à été mise au point par l’ingénieur Louis Antoine Garchey en 1897. Cette innovation avait pour ambition le recyclage de débris de verres à bouteilles par dévitrification, directement dans les verreries. Le but était de produire des dalles de verres plates ou moulées en formes destinées au revêtement muraux ou au sol.

 

Malheureusement le procédé de fabrication fut plus complexe et plus coûteux que prévu et la société : “Pierre de verre Garchey” fit faillite dès 1901- 1902 ceux, malgré les qualités indéniables du verre dévitrifié, et un développement à l’étranger dans plusieurs pays dont l’Espagne (ci dessous). Le brevet de cette invention a ensuite été acquis par la Ste ST-Gobain Chauny et Cirey.

pierre de verregarchey en espagne

Action de la “Socieda-de-piedra-vidrio” 1902

Le pavage idéal

Texte original dialogue (réel ou imaginaire ?) entre l’architecte Stanilas Ferrand et Mr Boreux des ponts et Chaussées.

 

Stanislas Ferrand : Il y a quelque temps, j’arpentais les rues de Londres et je jalousais, de mon for intérieur, le profil impeccable de leurs chaussées et leur entretien. J’en étais là de ma contrariété patriotique lorsque je me suis retrouvé, face à face, avec devinez qui ? :
Justement avec le chef suprême de notre viabilité parisienne, l’éminent Inspecteur général des ponts et chaussée, M. Boreux !

SF : Ah, ah, Mr Boreux, lui dis-je, je pensais justement à vous, et par association
d’idées à votre service. Je comparais les chaussées de Londres avec
celles de Paris. Viendriez-vous ici prendre une leçon de choses?

  • Mr Boreux : Jamais de la vie! Comme voirie, les Anglais n’ont rien à nous apprendre.

S-F : Cependant, regardez, donc ces pavages. Heu ! Les noirs sont aussi beaux. Par exemple ! Trouvez-vous beau le pavage de la place de la Trinité, le pavage de la rue Caumartin, le pavage de la rue de Châteaudun ? à Paris. Je ne parle que des rues que je parcours tous les jours.

  • Mr B : Oui, dans ces rues, j’en conviens, le pavage en bois laisse à désirer.

Stanislas Ferrand : Dites plutôt qu’il est atroce, plein de trous et de bosses, pendant et après la pluie, il ressemble à un archipel de boue dont les bosses seraient les îles…

  • Mr Boreux : Que voulez-vous, les crédits me manquent.

S-F : Ce qui vous manque plutôt, je crois, c’est un bon système de pavage.

  • Mr B : Vous avez raison, mais où le trouver ?

S-F : J’avoue que je ne sus rien répondre à ce coup droit. Oui, où trouver ce pavage idéal ?

image fictive pavage idéal en bois paris 1900

Le pavage idéal en Bois Paris 1900 (reconstitution par IA Générative)

Suite de la Conversation…

 

Stanislas Ferrand : Mr Alphand avait cru le rencontrer dans l’asphalte, plus tard, dans le pavage en bois. A la vérité, ce dernier s’est offert à nos yeux sous des aspects fort séduisants. Ce pavage de bois était régulier, il formait des profils parfaits, il était sourd et les voitures roulaient sur lui avec un cachet inédit d’élégance et de légèreté. Pendant des années, le pavage en bois tient ses promesses.
Mais, depuis, que lui est-il donc advenu ?
Depuis, il s’est tuméfié, écrasé, bosselé, pourri. Depuis, il est devenu le foyer où des milliards de microbes naissent, vivent et peut-être nous font mourir.
Son élégante surface de jadis est devenue lépreuse, glissante, puante. Et si le congrès de la tuberculose avait porté ses éludes sur les dangers du pavage en bois parisien, au point de vue de la santé publique, je crois bien qu’il aurait été sévèrement condamné.

Mr Boreux : Mais, alors, par quel système le remplacer ? Et quel ingénieur, quel chimiste, quel hygiéniste, quel inventeur, quel homme génial en donnera la formule ?

SF : Le pavage idéal des grandes cités, c’est le pavage en une matière qui ne s’userait guère, qui ne serait pas sonore, qui ne se dépolirait pas.  Qui ne se décomposerait pas, qui ne se pourrirait pas et qui ne deviendrait pas un réceptacle abominable des poisons de l’atmosphère…

Du verre à la pierre

Louis antoine Garchey

A l’Exposition de 1900, je m’étais arrêté devant un produit nouveau dénommé la pierre de verre Garchey.
Pierre de verre ? ces mots m’intriguaient fort, on pouvait donc, avec du verre, fabriquer de la pierre ? Mais alors elle serait cassante, translucide, glissante et horriblement chère ?
En faisant revivre dans ma pensée les souvenirs un peu lointains des théories de la fabrication du verre, j’arrivais à conclure que :  Si, avec ses éléments constitutifs, c’est-à-dire avec la silice, corps opaque, avec de la soude, corps opaque, avec de la chaux, corps opaque, on arrivait à fabriquer un produit translucide, c’était en vertu de phénomènes encore mystérieux, mais qui pouvaient fort bien ne pas être intangibles.
D’ailleurs, ils ne l’étaient pas et je me rappelais que Réaumur (il n’était peut-être pas le premier) avait, en quelque sorte, scientifiquement le moyen de rendre opaque le verre transparent, par le procédé de la dévitrification.

 

Une sorte de porcelaine

Le nouveau produit, ainsi fabriqué, s’appelait, si j’ai bonne mémoire, du nom de son inventeur : la porcelaine Réaumur. Qu’était devenue l’invention ?
J’avoue que je l’ignorais. Mais, en présence des échantillons variés de la pierre de verre, je me rappelais la théorie de la dévitrification enseignée par ce célèbre physicien, et je questionnais adroitement sur ce point, le gardien de l’exposition Garchey.
A vrai dire, il me donnait des renseignements plutôt vagues. Évidemment, il ne connaissait pas les méthodes de fabrication, ou bien il en conservait jalousement le secret professionnel.
Mal renseigné, je continuais mon chemin. Cependant, ce que je venais de voir m’avait laissé pensif et, envisageant l’avenir dans un lointain mal défini et comme embrouillardé, je méditais :
Si tout de même on pouvait pratiquement faire de la pierre avec du verre dévitrifié! Quelle trouvaille, mes amis! Et quelle révolution dans l’industrie des matériaux artificiels !

 

De la liberté du crachat…

Corps inaltérable, imputrescible, résistant à miracle, le verre dévitrifié pourrait fournir des revêtements, des marches d’escaliers, des encadrements de baies, des dallages.
Il pourrait devenir le pavage merveilleux des grandes cités. le pavage idéal qui ne se déforme pas, qui ne pourri pas. Qui de plus, ne se contamine pas et qui, lavé à grande eau, se dépouille brusquement, totalement, de ses mortelles souillures, enfin, le pavage idéal que j’avais rêvé et que M. Boreux, vainement, cherchait.
Alors, mon cœur de vieil hygiéniste battait un peu plus vite.
Je voyais nos rues propres comme… du verre, leurs poussières entraînées, dans des îlots d’eau, vers les égouts. Je pensais à la tuberculose victorieusement combattue et je souriais des bonnes petites recommandations paternelles de M. le préfet de police (recommandations que j’approuve cependant ) et qui invitent, poliment, les citoyens à ne plus cracher par terre.
Avec ce pavage idéal en verre dévitrifié, me disais-je, la liberté du crachat, dégoûtante en elle-même, sera respectée, sans danger, pour la santé publique.

 

De multiples utilisations

Et c’est ainsi que, dans mes esprits charmés, je voyais une fois de plus triompher les grands principes de 89 ! Où la politique allait-elle se nicher?
Et je réfléchissais aussi à l’hygiène privée de nos édifices publics, de nos bâtiments industriels.
Avec le verre dévitrifié, allons-nous avoir le dallage imperméable, imputrescible, inusable des grandes salles où l’humanité se rassemble, des casernes, des prisons, des hôpitaux, des écoles, des ateliers, des usines ?
En descendant l’échelle des applications utilitaires, aurions-nous bientôt le dallage des espaces où l’homme vit en compagnie des animaux revêtements des fermes, des écuries, des porcheries, des étables, que sais-je ?
Toutes ces interrogations me poursuivirent pendant quelques heures.

 

Un Station de Métro

Et puis, l’immensité des merveilles que l’Exposition nous révélait en estompèrent rapidement la vision.
Je ne pensais plus guère à la pierre de verre lorsque, pour la première fois, en inaugurant, avec des compagnons du devoir parlementaire, le Métropolitain, je foulais avec une surprise agréable les marches de ses stations, construites en pierre de verre Garchey.
Ma vision d’il y a quelques mois avait donc pris forme? La pierre de verre dévitrifiée n’était plus la chimère d’un poète inventeur? Non. Elle était devenue la formule de Réaumur industriellement réalisée.

La libellule Hector Guimard

NDL : La pierre de verre dévitrifié Garchey est visible à la station de la porte Dauphine à Paris. Seul éducicule de type “B” de l’architecte Hector Guimard encore d’origine. (Credit Original téléversé par MOSSOT sur Wikipédia français.)

Le pavage idéal devient réalité

Ces jours derniers, je lus dans le Bulletin Municipal Officiel de la Ville de Paris que deux de nos rues, la rue de Flandre, je crois, si fréquentée par de lourds véhicules, la rue Tronchet, ou une autre dans le voisinage, allaient être pavées, en partie, avec la pierre de verre, je n’hésitais plus, je partis pour Creil, où se trouve l’usine qui la fabrique et, là, faisant connaître mes qualités, je demandais, fort poliment, au directeur, s’il voulait bien me laisser visiter l’établissement et assister à la fabrication de ses produits, encore quelque peu mystérieux pour moi.

Verrerie de Creil fabricante de verre dévitrifié Garchey.

La verrerie de Creil

Tout d’abord, il n’était guère rassuré, et avec une réserve bien naturelle, il essaya de me satisfaire en me donnant des explications qui ne m’apprenaient pas grand-chose.
Ce que je voulais, c’était voir fabriquer un pavé, du commencement à la fin, du moment où il n’est encore qu’une pelletée de sable, jusqu’à celui, décisif, où il est devenu pavé, le pavé idéal qui m’hypnotiserait.
Je voulais le voir mouler, enfourner, cuire, dévitrifier, comprimer, recuire, refroidir…
Je voulais surprendre les secrets de ces transformations extraordinaires, non point pour les livrer au public, niais seulement pour pénétrer mon âme de technicien qu’en face d’un pavé de verre dévitrifié, j’étais bien en présence d’un fait industriel absolument palpable et démontré.
Il fallut parlementer. Et sans doute je finis par apparaître à Mr le directeur comme un brave homme, pas dangereux, et dont la discrétion serait complète, car il voulut bien m’ouvrir, toutes grandes, les portes de l’usine.

 

La Fabrication du verre dévitrifié.

J’ai donc vu fabriquer le verre commun, tout d’abord transparent, avec du sable extrait des carrières voisines, mélangé comme tout verre qui se respecte, avec du carbonate de chaux, avec de la soude…
J’ai vu ce verre couler du haut-fourneau à gaz en torrents flamboyants, tomber dans des bassins d’eau froide, s’y briser, repris par les broyeurs, pulvérisé et criblé suivant différentes grosseurs.
Je l’ai vu mouler dans le sable, enfourner, cuire au degré où la dévitrification se produit, passer sous la presse hydraulique, recuire, refroidir lentement, ébarber et devenir enfin le pavé triomphant dont je parlais tout à l’heure.
Et, comme preuve pour moi-même, que je n’avais pas rêvé, j’ai rapporté un de ces pavés inédits qui va me servir de presse-papier.
J’ai parfaitement compris tout ce que j’ai vu. Et, demain, si j’avais des fours, des presses, du sable et quelques millions pour cet usage, je fabriquerais, bel et bien, de la pierre de verre dévitrifiée.

Mais que le distingué M. L. Garchey se rassure !

Je ne lui ferai pas concurrence.
D’abord, je n’en ai pas le droit. Ensuite, il fabrique si bien le pavé de mes rêves que ma seule ambition est de pouvoir bientôt marcher dans nos rues, embellies et régénérées, grâce à son pavage idéal, dont Mr l’ingénieur en chef Boreux va faire un commencement de réalité.

 

Stanislas Ferrand.

Documentations

Publication

  • Journal : “Le Batîment” 1900 par Stanislas Ferrand

 

Crédits Photos

  • Rue pavé de bois Paris 1900 à été générée par Intelligence Artificielle “Firefly by Adobe”
  • La libellule de la station Dauphine -2 : Original téléversé par MOSSOT sur Wikipédia français en 2011

La pierre de verre par Jules Henrivaux

Jules Henrivaux 1847 - 1913La pierre de verre Garchey vue par Jules Henrivaux dans son ouvrage paru en 1902 : “La Verrerie à l’exposition universelle de 1900“. Jules henrivaux est un chimiste né en 1847 à Bruxelle. Sa famille est originaire de Chauny par sa mère.  En 1883 Il devient directeur de la Manufacture Saint-Gobain Chauny & Cirey qu’il quittera en 1901. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la verrerie. Il est entre autre à l’origine du verre armé en collaboration avec Léon Appert, ainsi que de l’opaline coulée chez St-Gobain à la glacerie de Chauny. Jules Henrivaux décède ensuite en février 1913.  NDL : Le texte est quasi littéral juste adapté à la lecture de page web. 

palais de la céramique et de la verrerie paris 1900

La céramique et la Verrerie exposition universelle de Paris 1900

La pierre de verre GARCHEY

Du verre dévitrifié

La construction moderne doit répondre à des exigences multiples. Elle doit profiter d’une nouvelle conquête de la science, appliquée à l’art de bâtir. Ce « matériau » nouveau, loin de prétendre remplacer le verre, la céramique, la pierre, le ciment…  a l’ambition de s’adjoindre à ces divers corps tout en augmentant les ressources de l’architecte, de coo­pérer à l’assainissement, à l’embellissement de nos demeures.

 

De la dévitrification

L’invention de M. Garchey repose sur la dévitrification du verre. La dévitrification du verre a fait l’objet des recher­ches des savants. Réaumur, J-B. Dumas, Pelouze, d’Arcet, pour n’en citer que quelques-uns. Ils ont même tenté de transformer leur labora­toire en usine et de dévitrifier le verre industriellement. Tous les verres sont susceptibles de perdre leur transparence et de se transformer en une substance semblable à la porcelaine. Lorsqu’on les fait passer d’une façon très lente de l’état liquide à l’état solide, en les refroidissant complétement. Ou encore on les réchauffant longuement à une température voisine du point de fusion.

Cette seconde méthode fut employée par Réaumur. Elle ne donna pas de bons résultats industriels. Garchey depuis longtemps, étudiait le moyen d’appliquer le verre à la décoration architecturale.  Après bien des recherches, il est arrivé le premier à dévitrifier le verre et à le façonner.

 

Premiers Brevets

C’est en 1896 que M Garchey prenait ses premiers brevets. Il dési­gnait ce nouveau produit sous le nom de la pierre céramique Garchey  et plus tard sous le nom de la pierre de verre Garchey. Cette manière d’opérer a eu pour résultat de supprimer les inconvé­nients qui firent échouer Réaumur et ses disciples. C’est grâce à elle que cette industrie, née d’hier, s’est déjà développée dans des proportions gigantesques. En effet sept grandes usines, avec plus de dix millions de capital, sont en fonction­nement ou en construction : Lyon (Demi-Lune) (Rhône) Pont-Saint-Esprit (Gard), Creil (Oise), Le Bousquet d’Orb (Verreries de Carmaux), Castellord (Angleterre) Pensig (Silésie) Saint-Sébastien (Espagne), et Bucarest.

La verrerie du Bousquet

La verrerie du Bousquet d’Orb Hérault 1919

Fabrication de la pierre de verre

Des tessons de bouteilles

Les verres qui se dévitrifient le plus facilement sont ceux qui con­tiennent en excès des bases terreuses, telles que la chaux, l’alumine et la magnésie. Les verres à vitres et surtout les verres à bouteilles sont dans ce cas. La matière première est donc presque pour rien. En effet ces verres se trouvant à l’état de déchets en quantités illimitées. La fabrication est des plus intéressantes et certains points sont entièrement distincts des procédés jusqu’ici employés en verrerie.

 

Le procédé

Après avoir lavé les tessons de bouteilles, on les réduit en fragments les déversant dans un broyeur, puis, afin d’obtenir des grains de grosseurs différentes, ou les fait passer dans un classeur giratoire…

(NDL :  Sorte de tamisage rotatif à maillages successifs)

Après le classement des poudres de verre, on les dispose dans un moule en fonte ou les fait séjourner pendant une heure environ dans un four d’échauffement. L’action de ce premier four est d’échauffer progressivement la matière, de façon que toutes les parties en soient, autant que possible, également dévitrifiées. Les molécules de verre sont alors réduites à un état de division extrême par suite de leur pulvéri­sation. Elles éprouvent isolément l’action dévitrifiante de la chaleur, et cela très rapidement. Chacune d’elles subit le phénomène sépa­rément. En même temps, elles se ramollissent et forment bientôt une matière pâteuse très consistante.

 

Moulage et pressage

On introduit les moules dans un four porté à 1 300° pour quelques minutes. C’est alors qu’on passe le moule sous la presse hydraulique où une matrice a été préalablement fixée. Un tour de roue et la pesante masse de fonte s’abat. Armée de couteaux latéraux, elle découpe la matière on même temps qu’elle la modèle. Cette opération d’estampage a en outre pour propriété de refroidir la pièce fabriquée. Ainsi elle permet de lui donner assez de consistance pour qu’aucune déformation ne soit à re­douter par la suite.

Enfin, on fait à nouveau séjourner les moules dans un four de refroi­dissement. Après quoi, on n’a plus qu’à retirer la pièce de son enve­loppe de fonte. L’aspect du nouveau produit varie extrêmement. Suivant que le grain est plus ou moins fin, la pierre céramique ressemble à telle ou telle pierre, blanche comme celle d’Angoulême, bleue comme celle de Lau­sanne, imitant la pierre de taille, le ciment et même le marbre.

la pierre de verre Garchey

La pierre de verre Garchey (source Musée d’Orsay)

Une remarque intéressante : la provenance des bouteilles influe aussi considérablement sur le produit obtenu. C’est ainsi que les bouteilles d’eau de Vichy ne donnent pas la même pierre céramique que celles d’eau d’Evian. La « bordelaise », la « chartreuse », la « Champenoise », la bouteille de vin du Rhin par exemple se muent en belles pierres, ayant leurs caractères propres.

Qualités de la pierre de verre

De l’Hygiène

La pierre céramique possède les plus remarquables qualités hygié­niques. Elle offre des garanties de solidité et de durée que le marbre seul pourrait peut-être lui disputer. Elle est en effet, absolument inaltérable aux intempéries et à l’ac­tion des acides, l’eau ne la pénètre pas. A tous ces points de vue, son emploi sera particulièrement précieux dans les hôpitaux et dans les salles d’opérations. En effet elle peut supporter les lavages antiseptiques les plus répétés sans en être altérée. De plus, le verre étant mauvais conducteur de chaleur et de froid, les habitations revêtues extérieu­rement de pierres céramiques seront chaudes en hiver et fraîches en été. Néanmoins, on ne peut actuellement obtenir ces plaques de pierre de verre d’une certaine étendue présentant une planimétrie parfaite. Aussi il sera préférable d’employer, à l’intérieur des habitations, des verres coulés, des verres opaques, de l’opaline, par exemple, soit uni­ soit émaillée avec des décorations multicolores…

 

Un produit de revêtement

Le nouveau produit est surtout destiné à être utilisé comme revête­ment. Sa face interne est rugueuse, ce qui rend le scellement plus facile et plus solide au point qu’armé d’un lourd marteau de maçon, on tentera vainement de le fendre. Certes la pierre de verre portera l’érosion du coup, mais aucune fissure ne se produira. Il serait imprudent de faire le même essai sur des pierres de taille, alors que, le plus souvent, la gelée suffit à les fendiller. D’ailleurs, la pierre de verre est tellement dure, que, pour la travailler, pour y percer le moindre trou, il faut employer des instruments trempés au mercure.

 

Un produit peu cher

Pour les tessons de bouteilles, débris de verre ils ne seront jamais d’un prix très élevé. D’ailleurs il est possible de fabriquer un verre à bou­teilles commun à très bas prix. C’est ce que pratique déjà l’usine de Creil. Aussi, la pierre de verre se vend en conséquence de 8 à 10 francs le mètre carré. Ce prix est minime, lorsqu’on le com­pare à celui du ciment ou de la pierre de taille, sans moulure ni sculpture. Ce prix devient tout à fait surprenant lorsqu’il s’agit de pierres mou­lurées ou sculptées. On sait combien la sculpture sur pierre est oné­reuse, le procédé de fabrication du produit permet d’obtenir à bon compte des Pierres moulurées ou sculptées.

Ainsi donc, inaltérabilité de la pierre de verre, sa variété infinie de types, tant au point de vue du grain qu’à celui de la couleur, avantages de la fusion obtenus avec un produit similaire de la pierre. Telles sont les principales qualités de la matière mise désor­mais à la disposition des architectes, et qui va leur permettre d’obtenir de nouveaux et artistiques motifs de décorations.

Motif de la pierre de verre Garchey

Décoration de la pierre de verre Garchey

Solidité de la pierre de verre

Crashtest de l’époque…

 Pour donner à ce produit une consécration officielle, des échan­tillons de l pierre de verre  ont été soumis à l’examen, à divers essais au laboratoire de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Voici ce qu’il résulte de ces expériences officielles :

  1. Qu’à l’écrasement, la pierre de verre résiste à 2 023 kg. par centi­mètre carré, tandis que les matériaux les plus durs employés dans les constructions tels que le granit, ne résistent qu’à 650 kg.
  2. Que pour la gelée, la pierre de verre a subi, à différentes reprises, l’action de mélanges humides et réfrigérants de -20° de froid sans alté­ration, puisque, tout au contraire, elle a résisté après ces expériences, à une pression de 2 028 kg par centimètre carré.
  3.  Que sa résistance à l’usure manifestée par le frottement d’une meule à grande vitesse classe la pierre de verre immédiatement avant le porphyre de Saint-Raphaël. Pour prendre un point de comparaison bien connu parmi les pierres de taille les plus dures, à un rang très su­périeur à la pierre de Comblanchien, avec une différence de près du double.
  4. Qu’au choc déterminé par la chute d’un mouton pendule d’une hauteur d’un mètre et pesant 4,2 kg, il a fallu 22 coups en moyenne pour obtenir la rupture et trois coups eu moyenne pour la première fissure. En comparaison les pavés de laitier de haut fourneau et le quartzite du Roule  ( matériaux les plus employés en pavage et les meilleurs pour cet usage)  ne résistent qu’à dix-neuf coups dans les mêmes essais.
  5. Qu’à l’arrachement, l’effort par centimètre carré d’adhérence a été, pour obtenir un décollement, de 15,3 kg de telle sorte que la plaque céramique la plus courante, de 30/33, nécessiterait une force de 23000 kg pour être arrachée.

 

Conclusion :

Les documents officiels reproduits plus haut démontrent donc, qu’à tous les points de vue la pierre céramique dépasse, par l’ensemble de ses qualités, tous les matériaux de construction connus. Cela d’autant plus qu’elle est en outre très mauvaise conductrice de chaleur. Ceci permet de se dispenser de l’épaisseur ordinaire jusqu’à ce jour indispensable aux maçonneries. Nous rappelons enfin qu’au point de vue de la décoration aucune pierre ne peut rivaliser avec elle, tant comme aspect que comme prix de revient.

Liens & Sources

Ouvrage

  • livre 1902 : La verrerie à l’exposition universelle de 1900 par Jules Henrivaux.

 

Crédits Photos