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Verre givré et Fleurs de givre

Le Verre givré ou fleurs de givre qu’est ce que c’est ?

Bien connu sous le nom de glue chipped glass dans les pays Anglo-Saxon où il est régulièrement utilisé dans la réalisation d’enseignes type reverse Glass, ou de verre églomisé, il s’agit en fait d’une gravure sur verre à vitre en forme de feuille de fougère rappelant les fleurs de givre ou verre givré que l’on peut observer pendant l’hiver sur nos fenêtres.

vitrage givré

verre fleurs de givre, ou verre givré à la colle

L’origine du verre givré

Pas très connu

L’origine de la technique est mal connue mais elle semble provenir de techniques de décoration sur verre en volume. A noter que c’est souvent le cas. En effet beaucoup de technique appliquée au verre à vitre plat proviennent en fait de fabrications liées au verre creux. Voici ce qu’écrit L. Cailletet auteur régulier d’articles dans la revue “La Nature” en 1902.

“… Il suffit en effet de recouvrir une pièce de verre ou de cristal d’une couche de colle forte dissoute dans l’eau (NDL- Bain-Marie), pour constater que cette couche, en se contractant par l’effet de la dessiccation, se détache du verre en lui enlevant de nombreuses lamelles d’épaisseur variable. Le verre ainsi gravé présente une sorte de dessin régulier qui rappelle la fleur de givre déposée sur nos vitres…”  (1)

 

Comment ça marche ?

La technique est étonnante de plus le processus de fabrication du verre givré est relativement simple. Dans le principe il s’agit d’abord de déposer une épaisseur régulière de colle forte à chaud sur un vitrage ou un verre en volume préalablement dépoli par sablage de préférence. Ensuite une fois sec on expose le tout à une température ventilée ne devant pas excéder les 40° celsius. Pour finir, lors du séchage la surface de colle se craquelle en fines lamelles.

L’adhésion est tellement forte que ces lamelles emmènent avec elles des éclats de verres très fin. On peut alors constater l’effet obtenu ressemblant à si méprendre à du verre givré. Les colles utilisées sont bien connue dans la restauration de boiseries anciennes : colle de peau de lapin, colle d’os, colle de nerf ou colle de poisson.

Des documents originaux

1935

Une correspondance datant de 1935 entre l’atelier Van Lierde & Fils  graveur sur verre à Lille dans le Nord de la France, et la société allemande Léo Pfister Fuerth i. Bayern nous en apprend un peu plus sur la méthode de givrage du verre à vitre.

colle pour la gravure sur verre fleur de givre

Tarif Leo Pfister Fuerth i. Bayern

fleurs de givre verre givré a la colle

Verre givré à la colle (glue chipped glass)

Comment fabriquer du Verre Givré

Avec de la colle à Chaud

Le point capital brièvement décrit, en ce que lorsque de la glu (Colle forte) appliquées sur du verre dépoli est enlevée après séchage, il se produit sur la surface du verre des sortes de fleurs de givre. Ce résultat est obtenu en principe de la façon suivante:

D’abord le Dépolissage du verre.

Le côté du verre que l’on veut givrer est d’abord maté au moyen de projection de sable par soufflerie, ou encore au moyen d’une plaque de fer avec du sable d’un grain assez rugueux et de l’eau. Le dépolissage doit être régulier, l’autre côté reste intact.

Dans les petites exploitations , le matage se fait encore en frottant du verre sur du verre en interposant du sable fin criblé et de l’eau. Le dépolissage à la machine ne peut se faire qu’en utilisant du verre à vitre  et du verre à glace, les verres obtenus par soufflage, à cause de leur inégalité d’épaisseur, doivent être maté au jet de sable. 

Ensuite, l’application.

Après cela, le verre est lavé, séché, placé sur une table rigoureusement horizontale et sous une chaleur modérée badigeonné d’un couche légère de glu (ou colle forte)  au moyen d’un pinceau. Ensuite on continu à verser régulièrement de la glu de consistance assez épaisse. Si il se forme quelques boursouflures elles doivent disparaître à l’aide de quelques légères touches de pinceau. La couche de glu doit avoir un centimètre d’épaisseur environ 1,5 M/m et jusqu’à 2 M/M.

Une couche de glu plus épaisse ne se détache pas, mais produit des crevasses ce qu’il y a lieu d’éviter.

Puis la colle ou glu.

Pour les fleurs de givre, il faut une glu particulière employez ma “Kronenleim – Eisblume (Glu à la couronne – Givrage) (NDL mélange de colle de nerf et de colle de peau)

Pour finir Le séchage.

Pendant tout le temps qu’il est au séchage, dans toutes les circonstances, le verre doit-être protégé de la lumière du soleil et de la trop grande chaleur. Si la glu vient à de refroidir de telle façon qu’elle ne coule plus, il faut placer les verres pour séchage de préférence dans la position verticale dans un courant d’air à la température d’environ 18 à 20 degrés Celsius. (A transformer en centigrades). Lorsque la glu est parfaitement dure, c’est à dire quelques jours après l’application, les verres peuvent être mis pour se crevasser à une chaleur solaire modérée ou, ce qui est encore mieux, dans une pièce ou peu à peu la température sera portée  de 40 à 45 degré celsius. (a transformer en centigrades)

Au Résultat:  des fleurs de givre.

Une faible couche de colle appliquée produit de plus petites fleurs, une plus forte couche de plus grandes fleurs.

Verre givré à la colle

Verre givré et sablage

Exemples de colles

Poudre ou granule

colle os

Colle d’os

colle de nerf

Colle de nerf

colle os et colle de nerf pour le verre givré

Mélange Colle d’os + Colle de nerf

Documents et Sources

  • (1) La revue La nature,  source Conservatoire des Arts et métiers:  CNUM Conservatoire des Arts et Métiers.
  • Documents originaux des archives de l’atelier de gravure sur verre Van Lierde et Fils.  Merci à Mr Van Lierde.
  • Document Internet Archives : Rawson & Evans

Façonnage du verre et des glaces

Pour commencer, voici un court reportage assez touchant réalisé aux Etats-Unis sur la cote ouest. Cette démarche est née d’un besoin de communiquer sur la disparition du façonnage du verre à la main, aux Etats-unis.

Film réalisé et produit par Filmkik .com

Bob Zatasvasky

Biseautage manuel

biseautage manuel du verre

Bob Zatasvasky à 40 belles années d’expériences. Il est très probablement est un des derniers verriers aux Etats-Unis à pratiquer cet artisanat manuel de façonnage du verre aux Etats-Unis. Il travaille pour l’atelier d’art verrier “Hyland Studio” de Santa Clara en Californie.

 

En effet il faut savoir, qu’aux Etats Unis comme en France la découpe, le biseautage, la gravure, l’argenture ou le façonnage du verre et des glaces ont été littéralement “atomisés” par le façonnage industriel du verre. Les coûts très élevés des heures nécessaires à ces travaux manuels rendent leurs conditions de commercialisations particulièrement difficiles.

 

Paradoxalement alors que beaucoup de ces savoirs faires manuels sont nés en France, il faut sortir de notre pays pour voir encore toutes ces disciplines associées ensembles dans quelques ateliers actifs,  en Grande Bretagne, Russie ou Tchéquie voir même en Turquie ou en Inde…

La Miroiterie définition

Argenter du verre

A savoir :  la désignation du mot “miroitier” vient du terme miroiter, argenter. C’est à dire d’abord déposer une mince couche d’argent (au départ du Mercure puis du nitrate d’argent) sur une face d’une plaque de verre pour ensuite lui donner un coté réfléchissant.

La vidéo ci dessous a été tournée chez Saint-Gobain à Aniche en 1972.

Le façonnage du verre et des glaces

Du coté de venise

A l’origine le façonnage du verre et des glaces est indissociable de l’argenture. Il s’agit de réaliser différents types de finitions par gravure et polissage soit sur les bordures soit sur le vitrage lui-même. C’est un savoir-faire qui vient de venise berceau de l’argenture du 14ème siècle. Les miroirs de ce type richement décorés s’appellent d’ailleurs toujours miroirs de venise, miroirs vénitiens ou glaces vénitiennes. Ils sont traditionnellement composés de plusieurs éléments décoratifs en pourtour d’une glace centrale en général.  Ce travail de façonnage du verre nécessite de multiples manipulations succéssives se fait donc sur de petites surfaces de glaces. Celles si passent en fait de meules en meules horizontales ou verticales aux grains de plus en plus fins pour le faconnage des glaces jusqu’au polissage puis l’argenture.

miroiterie Gaston Codoni

Façonnage des glaces Gaston Codoni 1908

L’ESSOR D’UN MÉTIER

Mécanisation et commerce.

Pendant longtemps, la découpe de verre a vitre, le façonnage du verre et des glaces, ou la gravure mécanique par roues ou meules, associé à l’argenture et l’encadrement furent les principales activités des miroitiers. Les progrès de la gravure par acide de la mécanisation, et plus tard du sablage, ont donné un véritable élan à ce métier. Certains pratiquaient eux mêmes ces nouvelles techniques de décoration et façonnage du verre et des glaces, mais beaucoup d’autres revendaient déjà des productions industrielles sur mesures ou non fabriquées par les grandes glaceries de l’époque, y compris les gravures à l’acide.

gramont miroitier paris

Miroiterie Gramont Pongor Paris

Tarif des verres a vitres Albert Pongor

AGENCEMENT DE COMMERCES

Enseignes, glaces, vitrines…

Une miroiterie comme celle de Gaston Codoni, rue Parmentier à Paris (1832 – au moins 1913) proposait dans ses ateliers : la Menuiserie, l’ornementation, la dorure, la sculpture (bois), l’étamage (argenture), le biseautage. Mais aussi, la gravure à la roue… Ces miroiteries produisaient des trumeaux, glaces argentées, psychés, paravents, et enseignes peintes sous glace (reverse glass) ou gravé au jet de sable sur marmorite ou opaline. Ainsi que des panneaux, lettrages émaillés et tout le nécessaire à l’installation de commerce de l’époque… Cet atelier fournissait tous les types de vitrages industriels de l’époque, verre mousseline ou verre diamanté Picard et bien sur les verres spéciaux de Saint-Gobain Chauny et CireyReste à définir réellement ce qui était effectivement fabriqué par cette miroiterie, et ce qui était revendu ou sous traité ailleurs…

Miroiterie Codoni 1894

Miroiterie Codoni 1894

CE QU’IL RESTE AUJOURD’HUI

Des cartes postales…

Aujourd’hui le façonnage du verre et des glaces en miroiterie (comme ci-dessous) a quasiment disparu en France. Il ne reste plus aucun Maîtres miroitiers façonneurs argenteur, travaillant sur lapidaires en activité avec autant de savoirs faire dans leurs ateliers. Le compagnonnage a également disparu dans les miroiteries depuis la fin des années 70. Seul quelques ateliers artisanaux de décorations sur verres, ou dans les vitraux, isolés les uns des autres utilisent quelques-unes de ces techniques dans une bien moindre mesure.

Faconnage du verre et des glaces

Façonnage du verre les lapidaires. (Perpignan)

LES RAISONS D’UNE DISPARITION.

De multiples facteurs

LA TECHNOLOGIE

Dès 1910 Les premières machines biseauteuses verticales dédiée au façonnage du verre et des glaces apparaissent. Elles sont ensuite suivies par d’autres innovations comme les ponceuses à bandes abrasive également verticales. Puis par la suite à la fin des années 80 des machines de façonnages numériques sur 3 axes (3D) produites essentiellement en Italie, révolutionneront le façonnage du verre et du marbre. De plus il faut rajouter à cela l’arrivée des technologie Float de fabrication du verre plat entraînant la manipulation de grands formats de vitrages allant jusqu’à 6 x 3 mètres, nécessitant ainsi une mécanisation de la découpe manuelle du verre. Le coût matériel de ce type de technologie, hors de portée de l’artisanat, réservera cela à l’industrie. En fait aujourd’hui la majorité des petites miroiteries sous-traitent leurs façonnages à des usines industrielles.

ancienne biseauteuse

Machine de miroiterie Michaud de 1910

L’ÉVOLUTION DES STYLES ET DES MODES.

En matière d’art décoratif , la France à été un pays phare, ou plusieurs styles se sont succédé. Ils apportent alors, chacun leurs innovations en termes de décorations et mise en œuvre. Ainsi par exemple le sablage du verre connu son âge d’or à l’époque art déco. En effet les lignes géométriques de ce style s’accordaient particulièrement bien à cette technique. C’est surtout à partir des années 50 que les choses changent. On ne parle plus alors de styles décoratifs mais de design industriel, dans toutes les disciplines. L’évolution technologique et la standardisation des goûts par l’industrie, leurs médiatisations, leurs robotisations, ou délocalisation entraînèrent le déclin du travail manuel en France. Ainsi des pans entier d’économies et métiers qui leurs étaient liés ont disparus ou se sont marginalisés.

Tout n’est pas perdu

David Adrian SMITH (uk).

Avant toutes choses, la préservation d’un savoir faire est bien souvent le choix d’initiatives individuelles quelques soit l’époque.

 

Il faut savoir, que dans les pays Anglo-Saxon, la décoration et le façonnage du verre et glaces sont souvent associés à la réalisation d’enseigne, plus que dans la miroiterie. Une personne se distingue particulièrement dans ce domaine, par son action de préservation des savoirs faires de l’époque. Il s’agit Dave A Smith graveur-verrier traditionnel au Royaume-Uni.

Formé au départ dans un atelier de lettres peintres traditionnelles chez Gordon Farr & Associé au Royaume-Uni, il s’est ensuite principalement formé au chez Rick Glawson aux Etats-Unis pour le travail verrier traditionnel et la dorure. En 1992 il fonde son propre atelier de décor de lettrages peints à Torquay dans le comté du Devon au Royaume-Uni.

A présent, après avoir vendu son entreprise à l’apogée de son succès, il se consacre à sa passion pour le travail du verre Victorien (contemporain du style Empire) associant peinture, dorure, gravure à la roue et a l’acide avant que cet art ne disparaisse… Son savoir-faire est bien vivant et très impressionnant, il donne une idée claire de ce que pouvait être le travail du verre plat à la fin du XIXème siècle.

Aujourd’hui nous sommes au XXIème siècle, et soucieux de sa dette envers ses pères formateurs, il n’hésite pas à partager et enrichir ses connaissances à travers des cours des tutoriaux ou des chats par le biais de son site web : http://davidadriansmith.com/

Avec l’aimable autorisation de Dave A Smith graveur-verrier (UK)

NDL : Dave , thank you again for your permission.

David A Smith : http://davidadriansmith.com
https://www.facebook.com/davidsmithartist

Un Film de Danny Cooke :  dannycooke.co.uk
Musique Tony Higgins (Junior85): freemusicarchive.org/music/junior85/

Liens et sources

Sources

  • D’abord, Lucien Lasnier : “Préçis de Miroiterie et de Vitrerie” Edition PPC Paris 1947
  • Ensuite les revues ” le Miroitier de Fance” N°22 et 23 de 1929
  • les Revues “Glaces et Verres”  St-Gobain
  • Le Catalogue Adler 1938
  • Catalogue Machines de Façonnage MICHAUD 1926
  • Catalogue Miroiterie CODONI 1908
  • Et aussi les tarifs et catalogues Gramont – Pongord 1913
  • Enfin les archives de l’atelier de gravure sur Verre Léopold Van Lierde

 

Téléchargements :

 

Liens vidéos

PIERRE DE VERRE GARCHEY

En 1895 L’ingénieur Louis-Antoine GARCHEY (1858 – 1935) reprend les travaux sur la porcelaine du physicien Réaumur pour la fabrication de revêtements et dallages destiné à l’architecture appelé : La pierre céramique ou pierre de verre brevetée en 1897.

Voici une légère adaptation à la lecture web, d’un article d’époque sur l’invention de la pierre de céramique, puis pierre de verre Garchey. L’article se trouve être dithyrambique et ne tari pas d’éloges sur la pierre de verre. Il faut noter d’ailleurs que cette invention à suscité un véritable enthousiasme à l’époque jusqu’à l’exposition universelle de Paris en 1900.

La pierre de verre Garchey

La pierre de verre du musée d'orsay

Pierre de verre Garchey Source Musée d’Orsay

La pierre de verre Garchey

Texte tiré de “l’illustration” Sept. 1898

Dans son numéro du 8 mai 1897, la revue “L’illustration” a consacré un article à la « pierre de verre », à peine passée du laboratoire à l’usine. Elle l’a présentée à ses lecteurs comme l’une des inventions les plus importantes de cette fin de siècle. (1900)
Mais, quelques fut les promesses il y a dix-huit mois, il eût été difficile de lui prédire l’avenir incomparable qui lui est assuré aujourd’hui.

 

Deux usines fonctionnent déjà en France :

  • L’usine de la Demi-Lune, près de Lyon. L’usine à qui revient l’honneur d’avoir, la première, fabriquée industriellement la pierre de verre. C’est dans cette verrerie que son inventeur, M. Louis Antoine Garchey, a « pétri » et « repétri » la matière encore informe. Ce verre dévitrifié qui a toutes les qualités du verre et de la pierre, portées à leur summum.
  • L’usine du Bousquet d’Orb (Hérault), où M. Rességuier, ce doyen de la verrerie, a présidé, avec sa haute autorité, à la mise en marche du matériel. Des machines créé de toutes pièces par l’inventeur pour la fabrication du nouveau produit.

Deux autres usines achèvent leur installation.

  • L’usine de Pont-Saint-Esprit (Gard) qui fournira tout le Sud-Est de la France.
  • L’usine de Creil, à qui ont été réservés Paris, l’Ouest et le Nord de la France.

A l’étranger :

  • Une usine fonctionne déjà, depuis le commencement du mois, à Pensig en Silésie (Pologne – Allemagne).  Il n’est pas douteux que, bientôt, elle créera plusieurs filiales sur divers points de l’Allemagne.
  • En Angleterre, c’est dans le Yorkshire, à Castleford, que s’élève la première usine anglaise dont la mise en marche aura lieu le mois prochain.
  • Enfin, en Suisse, en Bohême, en Russie, d’autres usines vont être construites sous peu. Il n’y aura bientôt plus un seul pays civilisé qui n’ait son ou plutôt ses usines de pierre de verre.

 

Une poussée d’usines.

« Cette poussée » d’usines, on le conçoit, ne pouvait se produire que pour un produit de première nécessité. L’emploi de la pierre de verre sera, eu quelque sorte, imposé à tous les architectes, ainsi qu’à tous les constructeurs, soucieux de profiter de tous les progrès de cette industrie.

La verrerie du Bousquet

La verrerie du Bousquet d’Orb Hérault 1919

Une autorité en la matière

Revue Scientifique 13 Août 1898

Voici ce que dans le « Revue Scientifique » du 13 août dernier (1898), en disait par un homme dont le nom fait à juste titre. Une autorité en matière de céramique et de verre, a savoir,  M. Jules Henrivaux, le distingué directeur des glaceries de Saint-Gobain :

… La pierre céramique Garchey présente la même composition chimique que le verre dont elle dérive. C’est un silicate alcalin et un mélange de silicates alca-lino-terreux.

Après différentes manipulations et opérations de dévitrification, de compres­sion, de recuisson, les divers produits obtenus avec les formes et reliefs désirés se composent de cristallisations microscopiques enchevêtrées. Chaque fragment pri­mitif de verre peut être considéré comme un centre particulier. Il n’existe pas de plans de clivage dans la masse totale, et, dans chaque élément constitutif, les cris­taux sont trop minuscules et irréguliers pour compromettre la solidité de cet élé­ment.

Très dure et résistante à la température ordinaire, puisque les aciers trempés ne l’entament point et puisqu’elle raye le verre, cette matière est plastique pen­dant les températures élevées que réclame la dévitrification. Cette plasticité permet de lui imposer des empreintes de reliefs décoratifs.

 

De la résistance

 Sa nature siliceuse et sa compacité la défendent contre les agents chimiques violents, tels que les acides azotique, sulfurique, chlorhydrique, ainsi que contre les influences atmosphériques.

 Enfin sa résistance à l’usure, à l’écrasement, au décollement, la classe au pre­mier rang parmi les matériaux de construction.

 La gamme des teintes qu’on peut lui donner et les multiples aspects du grain accroissent les aspects décoratifs qu’on peut déjà obtenir par les reliefs.

 

Utilisations de la pierre de verre

  •  Les remarquables qualités physiques de la pierre céramique Garchey permet­tent de lui assigner un grand nombre d’emplois.
  • Entre autres, les revêtements intérieurs ou extérieurs dans les constructions, en imitant le marbre, le granit ou la mosaïque.
  • Les carrelages des maisons, le pavage des trottoirs, des cours, des salles de bains, des établissements industriels qui demandent un corps résistant, étanche, inattaquable pour les acides.
  •  Les parements des habitations exposées à l’humidité.         

 

 La Ville de Genève a fait un essai de pavage qui donne toute satisfaction, tant au point de vue de l’aspect de la rue que de la résistance à la rupture des pavés et au glis­sement des chevaux.

La Ville de Nice va appliquer prochainement ce mode de pavage.

 

Pour résumer : L’expérience a donc pleinement confirmé les espérances que M. Gar­chey avait fondées sur ses très longues et très ingénieuses recherches…

Moulage de pierre e verre garchey

Modèle de pierre de verre Garchey

Un Rapport d’Architectes.

Sté. Centrale des Architectes Français.

Qu’ajouter à cet éloge émanant d’une plume si autorisée ? Un simple document officiel : le rapport de M. Potier à la Société Centrale des Architectes français. Ce rapport qui a été approuvé à l’unanimité par l’assemblée générale, a eu le rare honneur d’être inséré dans son bulletin officiel.

 

Messieurs et chers confrères

Chargé par M. le président de la deuxième Section de faire, au nom de cette Section, un rapport sur la pierre céramique Garchey.  J’ai examiné avec beaucoup d’intérêt ce nouveau produit qui nous a été présenté sous les aspects suivants :

  •  D’abord, un carreau quadrillé pouvant servir de dallage pour écurie, cour, usine…
  • Ainsi qu’une plaque imitant le marbre poli.
  • une plaque imitant la mosaïque.
  • Enfin, un panneau mouluré et ornementé.

Par la variété des aspects sous lesquels ce produit nous apparaît, nous pou­vons nous rendre compte de l’emploi que l’on peut en faire dans la construction, tant au point de vue décoratif qu’au point de vue pratique.

Examinée comme matière, nous voyons que la pierre céramique Garchey n’est autre chose que du verre amené à un état moléculaire spécial. Elle constitue en quelque sorte un corps nouveau dont l’aspect est celui de la pierre de taille, du granit ou du marbre.  Le fabricant nous déclare pouvoir obtenir avec cette matières les moulages de tous dessins qui lui serait demandés.

 

Des débris de verres.

La pierre de céramique (pierre de verre) est obtenue avec des débris de verre portés à des tempé­ratures s’élevant jusqu’à 1.250 degrés et comprimés dans des matrices mues par des presses hydrauliques. Cette transformation physique du verre est due à la dévitrification par le pro­cédé Garchey.

Il se produit, par le phénomène de la dévitrification, une sorte de dissociation plutôt apparente que réelle. En effet à l’analyse chimique, le verre dévitrifié reste de composition identique au verre naturel.

Machine Garchey pierre de verre

Machine Garchey (1904) Source : Espacenet.com

Propriété de la pierre de verre

ou Pierre céramique Garchey

…La pierre céramique (pierre de verre)  possède donc toutes les qualités intrinsèques (physiques et chimiques) du verre, sauf la transparence, tout en prenant un aspect complète­ment différent. En outre, le verre traité sous cette nouvelle forme acquiert une résistance assez considérable à l’écrasement, à la gelée, à l’usure par le frottement et au choc. 

D’après le procès-verbal des essais faits au laboratoire de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, les résultats ont été les suivants :

 

RÉSISTANCE A L’ÉCRASEMEMT ET A LA GÉLIVITÉ.

Les essais ont été faits sur des cubes de 0″‘,04 environ d’arête, du poids de 2 gr. 510 le mètre cube.

Pour un échantillon non soumis à la gelée, l’écrasement a eu lieu sous une charge de 2 gr. 023 par centimètre carré.

Pour un échantillon ayant été exposé pendant environ quatre heures à une tempéra­ture d’environ — 75» centigrades, après avoir été immergé pendant plusieurs heures, l’écra­sement a eu lieu sous une charge de 2 gr. 028 par centimètre carré, ce qui prouve que la gelée n’a aucune action sur cette matière.

 

RÉSISTANCE AU CHOC.

Les essais ont été faits sur des cubes de 0′”,04 environ d’arête, du poids de 2 gr. 561 le mètre cube. La rupture s’est produite au seizième coup d’un mouton du poids de 4 kil. 200, tombant d’une hauteur d’un mètre.

 

RÉSISTANCE A L’USURE PAR LE FROTTEMENT.

Les essais ont été faits sur une plaque de 0m,15 d’épaisseur. Après quatre mille tours d’une meule tournante en fonte saupoudrée de sable, sous une charge calculée à raison de 250 grammes par centimètre carré de surface frottante, on a constaté que la plaque avait perdu 0m,001 environ de son épaisseur primitive.

Les Applications

Extèrieur ou intérieur.

Comme nous l’avons vu, les applications de ce produit sont assez variée. Il peut être employé dans les façades comme chambranles, corniches et frises, revêtements de soubassements…

Son étanchéité absolue, qui a été constatée dans le procès-verbal de l’Ecole des Ponts et Chaussées, permet de s’en servir comme revêtement dans les salles de bains, les établissements hydrothérapiques, les salles d’opérations…

En raison de sa dureté, il peut être employé comme pavage de cours, d’ateliers, d’écuries et même de voies publiques.

Enfin, grâce à ses qualités d’inconductibilité, il peut être employé pour les isola­teurs électriques et comme isolant du froid ou de la chaleur.

En considération de l’intérêt que présente ce nouveau produit, les membres de la deuxième Section le signalent à l’attention de leurs confrères.

Le Président, Alphonse Legros.                                                                     Le Rapporteur, G. Potier.

L’article s’achève ainsi : Les personnes qui désireraient de plus amples renseignements peuvent s’adresser au directeur général, M. Louis Garchey, 35 rue de la Bourse, à Lyon. Ajoutons que l’usine de Paris sera en mesure de satisfaire aux commandes, dès le mois de janvier 1899.

Action pierre de verre garchey

Action Pierre de verre Garchey

Les raisons d’un Echec

La nature du verre.

En 1900 Louis Antoine Garchey fonde la société Anomyme :  “La pierre de Verre Garchey”. Mais ce sera de courte durée. Pour comprendre les raisons de l’échec de la pierre de verre, il faut revenir sur sa fabrication qui est aussi se raison d’être.

 

Du recyclage de bouteilles

L’idée de départ est de recycler par concassage. Pour cela des débris de verres de toutes natures, verres à vitres, verre à bouteilles, verres blancs sont réduit en granulats plus ou moins grossiers. Ces déchets sont ensuite mis à la fonte dans un four à 1200°.  Puis, Ils sont agglomérés par des presses hydrauliques dans des moules prévus à cet effet. Pour finir le mélange en fusion est refroidie plus lentement afin d’opérer une cristallisation et dévitrification.

 

La dévitrification du verre

Un processus de refroidissement très complexe des matières vitrifiées afin de leurs faire perdre leurs transparences tout en gardant leurs propriétés intrinsèques. Un verre dévitrifié ressemble ainsi à de la porcelaine  blanche ou en couleur.

 

Un principe économique

La raison d’être de ce procédé de fabrication repose sur le recyclage économique de débris de verres à bouteilles. Pour cela il est déployé dans des verreries à bouteilles indépendantes déjà existantes. Fabriquer un nouveau produit verrier à partir de déchets de fabrications d’autres produits verriers. Seulement, voilà pour simplifier, des verres de différentes natures ne cristallisent pas tous uniformément. De ce fait ils ne pouvaient donc pas s’agglomérer entre eux. Mais il y a pire, l’instabilités des recettes de mélanges des différents composants pour la fabrication de verres à bouteilles variant parfois sensiblement au sein d’une même verrerie ont rendu la tâche impossible. L’invention de la pierre de verre Garchey ne pouvait fonctionner qu’aux seins d’établissements plus rigoureux dans leurs recettes de fabrications. 

recyclage de bouteilles en verre

Du recyclage avant l’heure…

Une conclusion heureuse.

Marmorite et marbrites.

Après 1900, la société anonyme pierre de verre Garchey entre en faillite. En 1903, Louis Antoine Garchey cède alors le brevet de son invention à la société Saint-Gobain Chauny et Cirey. En toute logique la dévitrification du verre trouvera ainsi sa place dans les grandes Glaceries ou la stabilité des recettes des fabrications est bien plus homogènes qu’aux seins des verreries indépendantes de l’époque.

 

Pour conclure, la pierre de verre Garchey n’est en fait pas vraiment un échec bien au contraire puisque cette invention à ouvert la voie aux verres de revêtements aujourd’hui oubliés comme la marmorite, le verre noir ou l’emblématique Marbrite FauquezMais ça c’est une autre histoire…

verre noir

Verre noir

Marmorite rouge

Marmorite Rouge Cirey

Marbrite fauquez verte

Marbrite Fauquez

Les Liens et les Sources

Sources :

 

Crédits Photos

  • La photos de la pierre de verre Garchey viennent du musée d’Orsay. (Avec mes remerciements  pour l’autorisation de publication C.F)
  • Les photos du verre noir et de l’échantillon rouge griotte étiqueté “usine de Cirey” viennent de Mr Diverchy du centre de mémoire de la verrerie d’en Haut à Aniche.
  • Source La machine Garchey : Espacenet.com
  • La photo de la marbrite Fauquez est un exemplaire conservé à l’atelier du verre Mousseline.
  • La poubelle recup-verre aussi…