Lesvitres de meuble Mado, mobilier populaire français ont été fabriquées pour l’essentiel par la maison Gerrer à Mulhouse. C’est un fait peu connu mais cette manufacture verrière était spécialisée dans le travail du verre décoratif. Elle s’est particulièrement illustrée dans les années 1920-1930, au cœur de la période Art Déco, produisant des panneaux de verres sablés pour l’agencement de magasins ou des luminaires monumentaux. La maison Gerrer était également active autour du funéraire grâce à la gravuve sur marmorite. L’entreprise a ensuite poursuivi ses activitées bien après 1950, en éditant toutes une série d’enseignes et d’objets publicitaire autour du verre sérigraphié. La manufacture Albert Gerrer était donc bien placée pour la fabrication de vitres de meuble Mado en grande série.
Meuble vitré mado personnalisé
Les meubles de cuisines Mado
L’abréviation “Mado” viendrait de la contraction de la marque “Maison Dominique” ébéniste français d’avant-guerre. Très populaire dans les années 50 – 60 ces meubles sont souvent composés de 2 corps (une partie basse, une partie haute). Ces meubles vitrés de cuisines modulaires se caractérisent par leurs formes arrondies typiques d’après-guerre. A mon sens il est important de noter qu’à partir des années 50 on entre dans ce que l’on appelle le “design”. C’est à dire une réinvention permanente intimement liée aux fabrications industrielles. Il n’y a donc plus de mouvement définissant précisément un style décoratif lié à une période comme ce fut le cas pour l’art nouveau ou l’art déco.
Des meubles aux fonctionnalités originales :
Huche à pain
Emplacement pour la radio
Tablettes de découpes
Emplacement pour seau à charbon
Tiroirs en verres moulés pour les épices, le sucre ou le café*
*Pas de traces de ces fabrications en verres moulés par la Maison Gerrer.
Les vitres de meuble Mado : la fabrication
Les vitres de meuble Mado se reconnaissent facilement par leurs designs simplifiés. Parfois sablées simplement, on les trouve également peintes, argentées ou sérigraphiées ce qui démontre un savoir-faire certain dans le façonnage et la décoration du verre. La maison Gerrer les a fabriqués en série avec des méthodes industrielle de pochoirs rigides et réutilisables pour le sablage ou la peinture.
Cette vidéo tournée en Avril 2023 reproduit l’ancien procédé de fabrication d’un pochoir de gravure sur verre “diamanté” par encrage. Cette méthode de fabrication appliquée au verre plaqué couleur est le fait d’une seule famille de verrier : la famille Picard entre Lunéville en 1872 et Paris jusqu’en 1941. La famille Picard était d’origine juive, elle a été déportée en 1942 disparaissant avec son savoir-faire unique. Mais 80 ans plus tard… tout n’as pas été perdu…
Petit document mais grande découverte
Voici le rapport interne pour la glacerie de Jeumont rédigé par le chimiste décorateur Hector Douillez. Ce document exceptionnel a permis de reconstituer la technique du transfert Picard. Il faut souligner que ce document datant de 1898 est de toute première importance, puisqu’il confirme l’utilisation de procédé de pochoir par cliché héliographique et d’impression par encrage sur verre à vitre. En fait il y a très peu d’informations sur l’utilisation effective de ces techniques par les ateliers verriers de l’époque entre 1850 et 1900. Cela dit aux vues de la complexité de certains rendus de verres mousselines par exemple, l’utilisation de procédé photosensible pour la réalisation de pochoir de gravure sur verre est une évidence. Mais aussi un secret bien gardé… qui est tombé dans l’oubli.
Avertissement. Les proportions manquantes dans le documents ne peuvent être communiquer que sur demandes justifiées (professionnel, chimiste, patrimoine). Elles ont été volontairement occultées du fait de la toxicités extrêmes de certains des produits employés.
Jeumont & Recquignies
Nous sommes en 1898 à la glacerie de Jeumont. La glacerie de Jeumont et celle de recquignies sont alors propriétés de la famille d’origine Belge Despret sous le nom : “La Cie des Glaces et Verres spéciaux du Nord”. En 1884 Georges Despret1862 – 1952 succède à son oncle Hector Despret 1790 – 1884. C’est donc sous la direction de George Despret que ce rapport de pochoir de gravure sur verre par procédé héliographique a été rédigé par le chimiste et dessinateur Hector Douillez. A l’heure actuelle on ignore le parcours professionnel exact de ce chimiste. Mais une chose est certaine, il connaissait les procédés de fabrications de la famille Picard 1872 – 1941. C’est d’ailleurs ce qui rend ce document si précieux dans la compréhension de la fabrication des verres diamantés ou mousselinés par acide Fluhorydrique.
Glacerie de jeumont 1909
Recquignies en 1907
Pochoir de gravure sur verre
Retranscription annotée.
Mousseline gravée.
Description : Ce procédé est un système d’imprimerie qui consiste à produire un dessin sur un papier et de le décalquer sur verre, la décalcomanie des enfants. Ce dessin est formé avec un vernis inattaquable par l’acide HFl (Acide Fluorhydrique).
Il Faut donc un cliché (ou) une plaque, une pâte a imprimer. Le cliché est une glace polie assez épaisse gravée fortement à l’endroit des traits du dessin. Il y des traits de toutes les grosseurs suivant les ombres. La Figure : 1 représente le creux de gravure des traits dans le cliché.
NDL : il s’agit donc d’un cliché photogravé en creux permettant le transfert d’un motif sur du verre à l’aide de pâte à imprimer un peu comme de la décalcomanie.
Méthodes
Classique : On prend une glace un peu plus grande que la grandeur du dessin à reproduire. Ensuite on enduit cette plaque de vernis ordinaire (Bitume de judée). Puis au moyen d’une pointe on enlève le vernis suivant le dessin à reproduire. Enfin, on grave à l’acide HFl.
Plaque photographique. On fait sur une glace polie le dessin que l’on veut reproduire au moyen de la grisaille (peinture vitrifiable) et de l’essence. A noter que l’on peut se dispenser de cuire la plaque, (Fixation de l’émail) le but c’est de rendre opaque les parties du dessin à reproduire que les rayons solaires ne puissent traverser les traits. On couche ensuite une autre glace qui la plaque avec un vernis préparé comme suis, vernis sensible à la lumière et résistant à l’acide Fhl.
NDL : En fait c’est donc un procédé photosensible (héliographique à l’époque) d’un côté, ainsi que la réalisation d’un négatif ou positif d’un dessin ou motif à reproduire de l’autre. Le tout pour réaliser un pochoir de gravure sur verre par acide HFl.
Procédé Picard
(Suite du document)
Pour Rappel : La famille Picard est une famille d’origine suisse, qui fabrique d’abord des verres de montres à Lunéville en 1872. Elle détient ensuite un procédé de pochoir de gravure sur verre qu’elle utilise dans la fabrications de verres dit “diamantés” et “mousselinés” à Paris de 1880 à 1941.
Entête Picard et Cie Paris 1900
Le cliché
Recette – 1: D’abord prendre XX litres de vernis noir à peindre ordinaire, ajouter XX de Caoutchouc
Ensuite on dissout le tout dans du sulfure de Carbone (le Sulfure de carbone est un produit hautement toxique et très volatile il vaut mieux s’abstenir d’utiliser ce type de produit chimique, c’est ni bon pour l’opérateur, ni bon pour l’environnement)
Enfin on ajoute XX litre d’essence de térébenthine, et de la cire jaune avant de fondre le tout dans un bain Marie. Ce vernis est épais et doit de coucher bien uniformément.
Recette – 2: XX Mesures d’essence de térébenthine
XX Mesure de Bitume de Judée
XX part de Cire Jaune
On fond le tout en Bain Marie. On ajoute ensuite XX parts de Caoutchouc Dissous
Enfin, on termine avec XX part de sulfure de Carbone.
NDL : Dans les 2 cas, cela donne donc un produit photosensibilisé à la lumière du jour. Le document n’en parle pas, mais cela coule de source pour l’époque. Appliqué uniformément d’une manière inconnue sur une plaque de verre épaisse poli douci parfaitement plate.
On récapitule.
Nous avons :
Une glace polie avec dessin à la grisaille cuite ou non. (Dans notre cas c’est un positif)
Une glace enduite d’une couche d’un vernis photosensibilisé (hors lumière du jour).
Placer la glace avec le dessin sur celle sensibilisée à la lumière. Puis on l’expose au soleil.
NDL : Nous sommes à Jeumont dans le Nord de la France, pas autant de soleil que dans le sud, et de la pluie plus fréquente. L’exposition se fait donc dans des serres ou verrières prévues à cet effet.
Résultat : Les parties du vernis photosensible exposées au soleil se durcissent et deviennent insolubles dans le pétrole ou l’essence, tandis que les traits à l’ombre sont solubles après une exposition d’un jour. On lave ensuite la glace vernie avec un tampon de pétrole qui dissous alors le vernis laissant ainsi apparaître les traits que l’on gravera ensuite à l’acide.
NDL :Nous avons ainsi un pochoir de gravure sur verre obtenu par cliché héliographique qui une fois gravé devient une matrice d’impression.
Explications chimiques :
Cet effet sur le bitume de Judée est du au sulfure de carbone qui se décompose lentement sous les rayons solaires devenant alors du photosulfure de carbone insoluble. (Hector Douillez)
La pâte à imprimer Picard
Stéarine, bitume de Judée, cire jaune…
Composition
Bitume de judée
Cire Jaune
Stéarine
Suif
Saindoux
Poix
Résine
Essence de térébenthine
Procédure :
Fondre très lentement (au bain Marie). On commence par étaler la pâte à l’aide d’un couteau a mastiquer que dans les partie gravées (en creux). Ensuite on prend un papier de soie frotté au blanc d’Espagne (?) et on l’applique sur la plaque enduite de pâte à imprimer. Après cela on passe un rouleau en caoutchouc, puis on tire le papier adroitement qui emporte avec lui le vernis déposé dans les creux des parties gravées. On le dépose ensuite sur le vitrage que l’on veut graver on l’étend avec la main puis on le frotte légèrement avec un linge. On mouille la feuille de papier qui abandonne alors la pâte qui reste ainsi fixée au verre.
NDL :Précautions à prévoir, un masque pour se protéger des vapeur de solvant, et un système de cuisson sans flammes.
Le rendement
Pour ce pochoir de gravure sur verre, un homme ou une femme peuvent ainsi tirer 10 mètres par jours. Pour la gravure à l’acide et son nettoyage c’est 30 M2.
La gravure à l’acide fluorhydrique.
Pour la gravure à l’acide diamanté 1 Heure de temps pour ½ heure de rinçage a l’eau.
Notes Le mat est formé de XX de cristaux de soudes pour X d’acide FHl en agitant le tout
L’acide à graver est coupé de XX d’eau.
Avant la gravure chauffer la plaque de verre à 20° Celsius. Précautions, avant d’imprimer bien nettoyer le vitrage à l’essence de térébenthine .
Le document publicitaire ci dessous nous vient du graveur sur verre Gommaire Léopold Van Lierde(1872 – 1939) successeur de l’atelier Leleu. Fils à Lille en 1912. Certains modèles présentés sont typiques du Nord de la France et de la Belgique, notamment les verres gravés figuratif et l’Art-Nouveau.
ATELIER LELEU – 1880 – 1912
LELEU.Fils puis LELEU-PIEDANNA
Crée à Lille en 1880 au 157 boulevard de la Liberté, l’Atelier Leleu puis Leleu.Fils est ensuite en 1912 par Gommaire – Léopold Van LIERDE 1872-1939. Cet atelier de graveur sur verre produit alors essentiellement, des vitrages gravés à l’acide et des vitraux. Il produisait aussi des enseignes et lettrages gravés, peints ou ornés à la feuille d’or. (La dorure est la spécialité de Léoplod Van Lierde)
LF = Leleu.Fils Graveur sur verre
Verre gravé signé L.V
Vitrages gravés de l’hôtel du pavillon Impérial 1889.
Léopold Van Lierde
1872 – 1939
La photographie ci-dessous est très rare, elle à été prise à Lille entre 1895 et 1912 rue Sans Pavés. Léopold Van Lierde graveur sur verre est un des personnages debout à droite (LV). Les autres personnages ne sont pas identifiés. Très probablement Leleu Fils au centre assis. A remarquer, les bonbonnes à l’avant plan qui doivent contenir de l’acide fluorhydrique plus ou moins dilué pour la gravure du verre. Il y a certainement du bitume de judée en mélange liquide également.
Léopold Van Lierde (LV) Graveur sur verre
Graveur sur verre 1895 -1902
Pour commencer, voici un bref résumé du parcours professionnel de Léopold Van Lierde au sein de l’Atelier Leleu. Fils. A signaler que ces informations sont vérifiées puisqu’elles proviennent directement de la famille Van-Lierde.
Fin 1895 Arrivé de Bruxelles, Gommaire Léopold Van Lierde âgé de 23 ans entre dans la maison LELEU. FILS rue sans pavés à Lille ( Marchand de verres, Miroitier... ) comme graveur sur verre à l’acide. (L’atelier de gravure sur verre Leleu a été fondé en 1880 114 Boulevard de la liberté à Lille).
Il est important de noter qu’en 1902 G. Léopold Van Lierde obtiendra une médaille de bronze à l’exposition internationale de Lille comme collaborateur de la maison Leleu-Piedanna.
Léoplod Van Lierde Médaille de Bronze
Parcours 1906 – 1939
Pour poursuivre en 1906 une en-tête de lettre de Juillet indique que Leleu. Fils et Van Lierde se sont associés pour l’atelier de Gravure. sur verre à l’acide.
Ensuite, Une lettre du 1er Juillet 1912 informe que Monsieur Leleu prend sa retraite et que Gommaire Léopold Van Lierde reste seul à la tête de l’atelier de gravure, peinture et dorure sur verre .
Dans les années 1920, ses deux fils Léopold et Robert le rejoignent.
Vient alors un changement d’adresse en 1928 pusique l’atelier s’installe à La Madeleine 2, Avenue du cimetière (Près de Lille).
Dans les années 1925-1930 la gravure à l’acide est peu à peu abandonnée au profit de la gravure au jet de sable. La période Art-Nouveau est passée de mode et la gravure par sablage correspond plus à l’esprit Art-Déco qui domine dans les ateliers ces années-là. Comme de nombreux autres ateliers de l’époque l’entreprise s’oriente aussi vers le funéraire (inscriptions et motifs gravés sur marmorite, marbre et granit), activité qui deviendra essentielle au fil des années.
1939 Décès de Gommaire Léopold Van Lierde.
Par la suite au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’entreprise Van Lierde poursuit son activité avec les fils et petits-fils de G .Léopold en s’orientant uniquement sur le funéraire et la gravure sur pierre et marmorite jusque dans les années 1970.