. Histoire du verre a vitre – Page 4 sur 19 –

Le Verre soleil un verre prismatique

Voici une brochure publicitaire de la société continentale du verre Soleil qui nous vante les mérites de ce vitrage prismatique destiné à l’éclairage des lieux sombres par amplification de la lumière naturelle. L’édition date de 1912, le texte est bien sûr élogieux.

Le verre soleil

Au départ, il y a la “société du Verre Soleil” qui commercialise un verre à vitre de type Prismatique inventé au Etats-Unis. Ensuite cette société cède ses droits à une nouvelle société alors nommée:  “société continentale du Verre Soleil“, fondée le 29 Juillet 1907 à Paris 13 Rue St-George. De fait, Il s’agit d’un accord commercial entre Saint-Gobain Chauny et Cirey et la compagnie des verres spéciaux du Nord. La fabrication est assurée par les glaceries de Jeumont, Recquignies et le Boussois appartenant à la société des glaces de Charleroi.

Action de la société continentale du verre soleil

Société continentale du verre soleil

Un Brevet de 1899

Etat-Unis

Le Verre Soleil repose sur l’exploitation d’un brevet Américain déposé par GEORGE MOFFAT  et M. E. J DOBBINS (Edward John Dobbins ). Ce Brevet original de 1899 décrit un vitrage destiné à amplifier la luminosité du soleil par une série de prismes et de lentilles. Ce brevet reprend en fait un autre brevet précédent de 1885 de JAMES G. PENNYCUICK ajoutant une face lenticulaire en plus des prismesLe mieux sans doutes est de lire ce que la Société continentale du verre soleil écrit a ce propos : 

 

 

” Le Verre Soleil possède un dispositif absolument nouveau, basé sur les lois optiques de Fresnel, déjà mis en application pour l’éclairage des phares. Ainsi ils permettent de faire entrer dans le domaine de la pratique, la combinaison scientifique des prismes et des lentilles. En effet l’accouplement heureux qui en a été fait a permis de fabriquer le Verre-Soleil de deux manières différentes : La première avec une face prismatique et l’autre lenticulaire, La seconde avec une face plane et les prismes et lentilles accouplés sur l’autre face. Cette adjonction des lentilles aux prismes permet de projeter, suivant les lois physiques connues des rayons lumineux dans toutes les directions”.

Brevet MOFFA Dobbins

Brevet du Verre prismatique de 1899.

Prismatique et lenticulaire

Les lentilles reçoivent les rayons solaires en un centre appelé foyer lumineux. Ainsi tombant sur les prismes il les grossit environ 3 fois 1/2. Ils sont ensuite projetés au moyen des prismes, sur une longueur de 20 à 25 mètres. Eclairant ainsi les endroits les plus sombres, tels que caves, sous-sols, antichambres, cuisines, escaliers…

Vitrage prismatique

Vitrage prismatique

verres speciaux prismatiques

Verre prismatique

Le verre soleil quelques usages

Les applications proposées sont nombreuses et parfois assez techniques. Manifestement c’est un domaine de spécialistes et la mise en œuvre du verre soleil n’est pas toujours simple.

Utilisation en Verre à vitre

C’est la plus simple des utilisations.  En fait, Il s’agit de simplement remplacer le verre à vitre ordinaire par du verre soleil afin d’améliorer l’éclairage d’une pièce. Pour cela il existe 3 types principaux de verres soleils qui diffèrent entre eux par l’orientation des angles prismatiques.

Verre soleil comme verre a vitre

Verre primatique AB

Verre Soleil B

En réflecteur de lumière

Lorsqu’il s’agit d’éclairer des locaux situés aux étages intérieurs des immeubles. Ceux ci prenant jour sur des rues ou des cours très étroites et dont les fenêtres ne reçoivent directement aucune lumière. Alors le Verres Soleil peuvent s’employer en réflecteur de lumière.

Verre soleil en reflecteur

réflecteur de lumière solaire

Verre soleil en frise d’éclairage

Le verre Soleil trouve également une excellente application en Frises mobiles pour l’éclairage des magasins. Ces frises consistent en plaques de verre enchâssées dans des moulures de bois ou dans des châssis de fer. Le tout pouvant comme style et comme décoration, être harmonisé avec la devanture s’accrochant en haut de celle-ci. Cela permet ainsi d’éclairer complètement le magasin en projetant la lumière jusqu’au fond.

Frise de verre soleil

Frise en verre prismatique

Dalle de verre de sol

Le dispositif des dalles de sol en verre soleil est exactement basé sur le même principe que le verre à vitre soleil. C’est-à-dire une face lenticulaire perpendiculaire aux prismes. Ainsi, ces dalles de sol en verre sont très supérieures à tous les produits verriers similaire. (NDL : en 1912). Ces dalles en verres prismatiques extra-clair transmettent verticalement la lumière, tout en augmentant considérablement l’intensité en la diffusant dans toute la profondeur des locaux à éclairer.
De ce fait, l’emploi de ces dalles est donc tout indiqué pour l’éclairage des sous-sols, la couverture de cours intérieures, courettes, passerelles…

Dalle de verre de sol

Dalle de verre de sol

Dalle de verre soleil

Dalle de verre soleil

Ressources

  • D’abord des extraits de la brochure de la société continentale du verre Soleil 1912.
  • Ensuite la brochure : Produits spéciaux Saint-Gobain 1908
  • Bien sûr : Le site Glassian.org sur les verres prismatiques
  • Et aussi le site insightsaboutlightandglass.com
  • Pour finir, la base de brevet Espacenet

 

Téléchargement : Catalogue de la société continentale du verre soleil.

Verre  prismatique : photos de l’auteur.

Dalle de verre soleil : contribution privée.

Soufflage à la bouche par J-Scory 1925

Voici un texte sur le soufflage à la bouche du verre a vitre, tiré d’une publication commerciale du Miroitier J-Scory. Ce texte nous renseigne sur la situation de l’industrie du verre à vitre vers 1925.

verres a vitres J-Scory

verres a vitres J-Scory avant 1910

J-Scory le soufflage à la bouche

Texte littéral.

Coiffés du chapeau à plume, honorés de l’épée, les Maîtres Verriers étaient alors gentilshommes.

Le temps a terni la noblesse du titre de Maître-Verrier, mais celle-ci a rehaussé son prestige en s’élevant sans cesse vers la recherche du mieux et a fait du Verrier un constant pionnier du progrès.

Les Verriers apparaissaient, aux hommes d’autrefois, comme des sortes d’Alchimistes, leur orgueil nobiliaire était très grand. Ils étaient d’ailleurs rangés parmi ” les plus importants serviteurs de l’Etat ” et les princes souverains leur accordaient volontiers d’immenses privilèges.

Plus tard, et encore avant la grande guerre, les fabricants étaient surtout d’anciens ouvriers techniciens du verre.

Mais l’Industrie Verrière ayant subi ces dernières années une grande évolution par la transformation radicale de la fabrication (travail mécanique remplaçant le soufflage à la bouche) des ingénieurs à compétences techniques très étendues sont maintenant indispensables (comme aussi d’importants capitaux).

On souffle le verre de moins en moins, mais on étire en grandes feuilles transparentes la masse compacte en fusion :  l’intelligence remplace alors l’effort des poumons et des muscles par la docile puissance des mécaniques.

Par la suite, l’ouvrier souffre moins dans son labeur, la production s’accroît en qualité et en quantité :  le progrès passe…

 

Les procédés actuels (1925) de fabrication du verre à vitre sont les suivants :

L’ensemble avec des différences sensibles de coûts de revient.

Soufflage du verre à la bouche et mécanique

Soufflage à la bouche et mécanique.

Etirage fourcault aniche

Etirage Fourcault

Un progrès social et économique

Les caractéristiques de l’évolution industrielle de la Verrerie sont d’abord constituées par le progrès social et économique, réalisé par l’amélioration des conditions hygiéniques de la main-d’œuvre et la diminution du prix de revient dont profite le prix de vente, c’est-à-dire par l’économie de main-d’œuvre et de combustible réalisant un verre de meilleure qualité et, partant, plus résistant qu’avec l’ancien procédé du soufflage à bouche.

Il est donc extrêmement important, pour la clientèle, d’adresser ses commandes a des techniciens éprouvés, suivant de près tous les perfectionnements, toujours en avant du progrès et donnant ainsi des produits de plus en plus perfectionnés.

Ensuite, ces caractéristiques sont constituées par la rationalisation et la concentration des entreprises dans le cadre national et international  (comme celles de l’acier ) qui ne tarderont pas à se réaliser et affecteront une production mondiale annuelle de verres à vitres dépassant actuellement 135 millions de mètres carrés. (1925)

 

J.SCORY. Miroitier à Paris la plaine Saint-Denis. 

Sources

  • Texte : “le soufflage à la bouche” tiré de la Brochure publicitaire J-Scory Paris vers 1925.
  • Illustration Etirage Fourcault : la retro d’aniche 
  • Illustration soufflage : Collection de l’auteur.

Sablage du verre et Mousselinage

Les procédés de mousselinage du verre de 1841 à nos jours.

 

1/ Dans l’ordre chronologique : L’émaillage des verres mousselines en 1841

2/ Vient ensuite: Le saupoudrage sur tulle brodée

3/ Le troisième article : Acide et bitume de judée

4/ A présent:  Sablage du verre et mousselinage

Le mousselinage

un mot de 1841

93 modeles mousseline

Le terme “mousselinage” n’est pas forcément associé au sablage du verre puisqu’il est présent dès le premier brevet de fabrication du verre mousseline par Dumas et Godard en 1841.

  • Définition :  Action de réaliser un décor de mousseline de tulle brodée dans le but de l’imprimer définitivement sur une surface vitrée.

Le mousselinage désigne donc la fabrication d’un décor de rideau inaltérable sur verre à vitre. Au départ par émaillage, puis plus tard par acide fluorhydrique et enfin par sablage du verre.

mousselinage par sablage du verre

Verre mousseliné par sablage

Les 3 types de mousselinages

Très simple…

Ci dessous les 3 types de verres mousselines en 3 techniques différentes.

  • A/ Le verre mousseline Emaillé.
  • B/ Du verre mousseline dépoli par Acide Fluorhydrique.
  • C/ Le mousselinage par sablage du verre.

 

Comment les reconnaître

Pour reconnaître les verres mousselines acide ou mousseliné par sablage des verres mousselines émaillés il suffit de les tremper dans de l’eau claire.

  • 1/ Si le motif devient quasi transparent c’est un verre mousseliné par acide ou sablage du verre.(B, C)
  • 2/ Si le motif reste visible c’est un verre mousseline émaillé. (A)

 

Pour distinguer le mousselinage par sablage du verre du mousselinage par acide il suffit de les observer à la lumière.

  • 1/ Si il y a un léger grain une surface rugueuse, c’est du verre moussseline sablé. (C)
  • 2/ Si c’est lisse et très translucide, c’est du mousselinage par acide. (B)
verre mousseline émaillé

A/ Mousseline émaillé

Mousselinage par acide

B/ Mousselinage par acide

Verre mousseline sablé

C/ Sablage du verre

Invention du sablage

Côte Est Philadelphie.

Vers 1870 le militaire Américain  Benjamin . Chew Tilghman (1821 – 1901) remarque les effets du sable projeté par les tempêtes sur les vitrages des habitations le long de la côte Est des Etats-Unis… (D’autres sources citent un desert…)  A la suite de ses obervations, il dépose ensuite un brevet en 1870 décrivant ainsi le principe de ce qui deviendra le sablage.

 

Voici un extrait d’un célèbre ouvrage sur le verre écrit par Eugène Péligot, en 1877.  Il  décrit ainsi la toute première sableuse pour le sablage du verre, de la pierre ou encore du métal.

 “Pour compléter l’énumération des procédés de gravure du verre, il convient de dire quelques mots d’un procédé purement mécanique. Il consiste à corroder le verre en projetant du sable à sa surface au moyen d’un jet d’air ou de vapeur. Le verre se trouve alors rapidement dépoli.
Ce fait, observé récemment par un Américain, Benjamin .C Tilghman, est mis à profit pour graver sur le verre.  Il est très probable qu’il se pliera à des usages variés. Plus tard il remplacera, en partie, la gravure à la roue ou même à l’acide fluorhydrique.”

 

Description de l’appareil :

“L’appareil dont on se sert à cet effet est très simple. C’est une trémie contenant du sable bien sec. Ce Sable s’écoule d’une manière continue par un tube.  On peut régler la longueur et l’inclinaison de manière à graduer à volonté la chute du sable. Cet écoulement se fait par un tube étroit placé un peu au-dessous du tube qui amène le jet de vapeur ou le vent d’une machine soufflante. Des trous d’air, comme dans les trompes, sont pratiqués à une petite distance du tube qui amène le vent.”

 

Une amélioration notable.

Vers 1885 un brevet est déposé pour une simplification du procédé de sablage par un certain M. Mathewson de Sheffield (Alabama). Il sera surtout commercialisé sous le nom de la Tilghman’s patent Sand Blast Cie limited. Le procédé ne fonctionne plus par aspiration du sable mais plutôt poussé par un jet d’air comprimé remplaçant la vapeur. En fait cela se rapproche des sableuses actuelles. A noter que le procédé de sablage fonctionne sur les matières dures, le verre, la pierre comme le marbre ou le granit et  les métaux.  Mais il est totalement inefficace sur les matières molles.

Premiere sableuse

Brevet B.C Tilghman 1870 (Retouche photo)

Du verre mousseliné

Un mot qui revient

En 1897 le mot “mousseliné” revient dans un catalogue Saint-Gobain Chauny et Cirey. Par la suite l’option “Mousselinage et sablage” sera proposée au moins jusqu’en 1933 par Saint-Gobain.  On trouve également ce terme dans un catalogue de la société du verre étiré de 1912. On trouve aussi un article sur les nouvelles machines de sablages dans la revue  La Nature”  N° 1309 de 1902.

Texte verre mousselinage Saint-Gobain de 1897.

Terme : “mousselinés”  Saint-Gobain 1897.

Sablage du verre mousseline

Alfred Gutmann Industriel

Entre 1900 et 1910 Alfred Gutmann industriel Allemand spécialisé dans les machines de sablage du verre et du métal, propose une machine de mousselinage du verre à plat. Cette machine de grande taille bénéficie d’une invention breveté sous le numéro 85811 (allemagne) concernant le désablage de l’air dans un aspirateur pour séparer la poussière, l’abrasif et l’air. La machine fonctionne avec un jet de sable vertical sous lequel circule le verre à vitre à l’aide d’une table équipée de rouleaux d’entraînement en caoutchoucs. Le résultat est un sablage du verre très fin très proche de l’aspect de l’aspect dépoli par acide.

 

La productivité

Le rendement annoncé est de de 27 à 45 M2 (ou Mètre linéaire ?) par Heure !!! puissance nécessaire de 8 à 12 CV pour des largeurs de vitrages allant de 750 à 1250 M/M suivant les modèles. La mise en oeuvre se fait par je cite : une ouvrière ! (nous sommes vers 1910…)

Machine de mousselinage Gutmann

Machine de mousselinage Gutmann

Comment mousseliner du verre

La question des Pochoirs 

Les premiers pochoirs de sablage du verre sont en fait très innovants.  Il faut savoir que peu de matières sont capables de résister à un jet de sable sous pression à l’époque. Il faudra attendre les années 1920 pour voir apparaître des pochoirs à base de colle et papiers buvards découplables manuellement.

 

Gélatine photo

Avant cela c’est encore une fois le bitume de judée qui est utilisé. On retrouve à nouveau là ses propriétés photosensibles découverte par Nicéphore Nièpce et améliorée sous forme de pochoir par son neveu Abel Nièpce de St-Victor.  D’après différentes sources il s’agissait de recouvrir le verre de la même manière que les plaques photographiques de l’époque mais avec une épaisseur de gélatine plus importante. Tout d’abord, le dépôt d’un mélange toxique de Bitume de judée et de chrome. Suivi d’une insolation (exposition à la lumière) au soleil de midi à l’aide d’un négatif calque ou transparent. Ensuite un développement à l’aide d’eau qui dissolvait les parties non exposées à la lumière. Pour finir une fois le pochoir sec le verre est sablé ou gravé. L’enlèvement du pochoir de sablage du verre se fait à la fin par bain d’acide sulfurique.

 

La méthode d’Alfred Gutmann.

Alfred  Gutmann propose gratuitement une formation pour la réalisation des pochoirs destinés à la décoration par sablage du verre. La méthode est similaire à celle du procédé Picard et Cie déjà décrit précédemment. Cela consistait à graver ou photograver d’abord une plaque de métal par acide, pour réaliser une matrice. Ensuite on recouvrait le tout d’un mélange liquide épais de bitume de judée et de caoutchouc. Enfin comme pour un tampon on posait une feuille de papier de soie qui servait de transfert d’application sur le verre à sablé.

Le mousselinage en 2022

Perte de mémoire

Aujourd’hui,  le mousselinage du verre quel que soit sa technique est complètement effacé de nos mémoires de verriers. C’est très probablement dû a son industrialisation sur près d’un siècle, perdurant d’une technique à l’autre jusqu’à la disparition brutale de son dernier fabricant en 1941.

Ce que l’on peut retenir c’est qu’après la mise en désuétude d’un produit ou d’une technique il y a une distance temporelle qui s’installe entre la disparition complète du produit, et le moment ou on s’aperçoit qu’il manque, ne serait-ce que pour préserver ce qui est encore présent.  De ce manque naît alors une demande à laquelle il est possible de répondre ou non.

Cela dit, la réactualisation technique la commercialisation d’une ancienne production industrielle ou artisanale est souvent dû comme dans mon propre cas à une initiative individuelle ou à des choix professionnels souvent risqués de passionnés.

 

Le Paradoxe

S’il est exact que les progrès technologiques, de la chimie, la mécanisation, la robotique ont entraîné la disparition de nombreux vitrages. Il est paradoxal de constater que cela soit également ces mêmes progrès technologiques qui permettent de les reproduire très artisanalement et de les commercialiser aujourd’hui… a une échelle certes bien plus réduite.

 

En conclusion

Encore une fois, on ne peut pas sauver quelque chose qui à déjà disparu. On peut juste essayer de reconstituer des faits et reconstituer une histoire forcément incomplète, à partir des traces encore visibles. La transmission devient ensuite à nouveau possible.

Ressources

  • Les  Revues “Nature” : Cnum – Conservatoire numérique des Arts et Métiers – http://cnum.cnam.fr
  • Catalogue de machines de sablage Gutmann Germany 1900 – 1910
  • Brevet Tilghman source :  Base Espacenet.com