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Verre à vitre soufflé et fabrication

A la fin du 17ème siècle les verreries d’abord itinérantes  commencent à se sédentariser vers 1800 en Bohême et dans les Vosges Alsacienne. C’est dans cette région de l’est de la France que commence la fabrication du verre à vitre soufflé « au canon » (en cylindres).

Les investissements nécessaires à la sédentarisation de ces verreries les conduisent à industrialiser le verre à vitre. Elles chauffent leurs fours aux bois d’abord, dévastant des forêts entières. La houille et le charbon remplacent ensuite le bois comme source d’énergie.

A noter que les verres à vitres sont aussi appelés « verres des Vosges » pendant la première moitié du 19ème siècle.

Soufflage du verre à vitre en 6 étapes

1/ le soufflage

 

Le principe très simple il s’agit de souffler à la bouche (et plus tard mécaniquement) une forme de Manchon (Forme de Grande Bouteille). En fait elle prend la forme d’un cylindre. Ce cylindre de verre à vitre soufflé s’appelle un “Canon”. On parle alors de soufflage au canon.

 

Uune idée des chiffres sur la production du verre à vitre soufflé.

Voici ce qui est décrit sur place à ce sujet dans le mémoire de fondation de la verrerie de Penchot dans l’aveyron en 1841 rédigé par J. Rouiller, ingénieur des Mines. “9 Souffleurs, fabriquent moyennement 1493 Manchons par fontes pour 17 à 18 fontes par mois. Soit un total de 25 281 Manchons. Soit 2820 Manchons par souffleurs par mois”. (Les chiffres sont probablement exagérés pour appuyer les arguments de la fondation de cette verrerie.)

fabrication du verre a vitre soufflé

2/ le Décalottage du verre à vitre

 

Le “canon” une fois soufflé devient un cylindre de verre à vitre. Pour cela il est coupé à ses 2 extrémités. L’opération s’appelle “le décalottage”.

A noter que c’est “le gamin” assistant le souffleur qui réalisait souvent cette opération. La main d’oeuvre infantile est chose courante à cette époque dans l’industrie du verre et ailleur.

decalotage du verre à vitre soufflé

3/ le fendage du canon

 

Une fois le cylindre de verre à vitre fabriqué il est ensuite transporté pour être refendu. Pour cela on utilise soit un diamant à couper le verre soit une tige de métal chauffée au rouge provoquant un “Choc thermique”.

En fait se sont le plus souvent des femmes qui portent les canons d’un espace à l’autre au sein des verreries. On les appelle les “porteuses de canons”

Le verre a vitre par manchon

porteuse de canon

4/ L’étendage et la recuisson

 

Une fois le cylindre de verre à vitre fendu, l’étape suivante consiste à ramollir le verre pour l’aplatir dans un four. L’opération est nommée “L’étendage“. Cette opération explique les irrégularités de surfaces, déformations ou bulles que l’on peut observer sur les vitrages anciens encore en place.

Le verre à vitre soufflé poursuit ensuite sa fabrication dans le four de “recuisson” dans le but d’être refroidit progressivement.

étandage du verre à vitre

5/ Le coupage du verre à vitre

 

Une fois le vitrage complètement refroidit, il est posé sur table pour y être coupé aux dimensions choisies. L’opération se nomme “le coupage” et se fait à l’aide d’un véritable diamant serti sur un outil le long d’une règle.

Coupage du verre à vitre

6/ Mise en caisse et paillage

 

Enfin vient la dernière étape de la fabrication des vitrages soufflés, la “mise en caisse et le paillage”. la protection des verres à vitres se fait à l’aide de paille dans des caisses de 30 à 60 feuilles de verres suivant les épaisseurs et les formats.

mise en caisse et paillage du verre a vitre

Mesure du verre à vitre soufflé

Les épaisseurs

 

On ne parle pas de mesure en millimètres il n’y a pas de normes la dessus à cette époque. Les épaisseurs de verres à vitres se comptent de la façon suivante :

 

  • Simple (1 M/M)
  • Demi ou mi-double (1,5 M/M)
  • Double (2 M/M)
  • Triple (3 M/M

tarifs et mesures des verres à vitres

Les Formats

 

Il n’y a pas de normalisation non plus pour les dimensions des verres à vitres au 19ème siècle. Les mesures des vitrages varient d’une région à l’autre ou même d’une ville à l’autre. Cela doit dépendre des dimensions d’ouvertures dans les usages courants des constructions locales. Néanmoins on retrouve 3 types de mesures principales chez les industriels.

 

  • Mesures Nord
  • Lilloises
  • Mesures Midi

 

Mais il y a beaucoup d’autres appelations…  Mesures… Dunkerquoises, Picardes, Douaisiennes, Tourquennoises…

verre a vitre 1895

Verre à vitre cannelé

Très présent sur les tarifs de l’époque, le verre à vitre soufflé “cannelé” comme son nom l’indique, est un vitrage qui présente des cannelures lui donnant une forme ondulée. Il s’agit en fait du premier vitrage occultant, déformant la vue.

Pour l’aspect Ondulé il est obtenu par soufflage du manchon dans un moule cylindrique en laiton présentant de profondes cannelures dans lesquelles le verre vient prendre sa forme. Lors de cette opération le souffleur allongeait son manchon en prenant bien garde de ne pas tourner sa canne. Le canon ainsi obtenu était ensuite fendu puis étendu suivant le même processus que pour les autres verres à vitres plats.

Verre soufflé cannelé

Verre soufflé cannelé

Window Glass 1902

Dès 1900 le soufflage mécanique du verre à vitre commence à être utilisé sans toutefois complètement remplacer l’ouvrier souffleur. C’est alors un jet d’air comprimé qui remplace le souffle du verrier, sans réellement changer les gestes et le procédé de fabrication des vitrages. Ce n’est qu’en 1902 que le verrier Américain John Lubbers essaye alors de remplacer l’étirage manuel du cylindre soufflé par un étirage mécanique. Aussi, pour y parvenir il invente un  procédé utilisant un anneau circulaire plongeant dans un pot de verre en fusion à l’aide d’un treuil qui s’élève doucement à la verticale. Ce procédé très spectaculaire peut ainsi produire des cylindres de plus de 10 mètres de longueur. Cette production atteindra sa pleine maturité avec les fabrications de l’American Window Glass Cie (1897) dans les années 1920.

Window Glass 1920

Soufflage mécanique du verre à vitre

Window Glass 1920

Window Glass 1920

Vitrage soufflé en 2023

En conclusion, et bien en fait, pas vraiment de conclusion définitive pour l’instant. En effet le soufflage du verre à vitre soufflé à la bouche n’a heureusement pas encore totalement disparu…

 

Ce qu’il faut savoir c’est qu’après 1920 la quasi-totalité des verreries de soufflage au canon n’ont pas pu résister très longtemps aux progrès technologiques comme l’étirage Fourcault en France ou le Window Glass aux Etats-Unis. Ceci dit, deux ont néanmoins traversée le temps pour arriver jusqu’à nous. Il faut dire que le fait qu’elles fabriquent essentiellement que du verre à vitre soufflé de couleur très spécifique, à certainement eu beaucoup d’importance quant à leurs longévités.

 

 

L’une d’elle se trouve en France sur la commune de Saint-Just – Saint Rambert près de Saint Etienne. Fondée en 1826 par ordonnance Royale la verrerie de Saint-Just produit au départ des bouteilles et du flaconnage.

C’est sous l’impulsion du Maître de verrerie Mathais André Pelletier qu’en 1865 elle se reconvertie dans la fabrication de verres de couleurs et de verres plaqués émaillés. Classée entreprise du patrimoine vivant, elle est toujours en activité et fait partie du Groupe Saint Gobain. Sa production de verres à vitres soufflés et de dalles moulées répond toujours aux besoins des ateliers de restaurations et création de vitraux dans le monde entier.

verrerie de S-Just St Rambert

Verrerie de Saint Just France.

Sources et Crédits

  • D’abord la Vidéo : Source: René Divechy: http://www.la-retro-d-aniche.com (Avec mes remerciement)
  • Ensuite, le texte C. Fournié d’après J-Scory 1913 et 1925
  • Egalement les revues “Glaces et Verres” St-Gobain.
  • Puis le catalogue “Verre pour toute industrie” Hires Turner Glass Company.
  • A noter le brevet windows Glass : Wikimedia Commons Patent No 702013
  • Enfin le livre Histoire de la verrerie d’en haut
  • Photo de la Verrerie de Saint-Just  C.Fournié (Avec mes remerciement pour les autorisations.)
  • Pour finir, le verre à vitre cannelé :  BNF/Gallica “Les Merveilles de l’Industrie…”

Journées scientifiques en Minervois 2022

Journées Scientifiques en Minervois 2022

Journées scientifiques en Minervois

Conférence aux Journées scientifiques en Minervois 2022.

A l’occasion des 6ème Journées scientifiques en Minervois organisées par la communauté de commune du Minervois au Caroux, j’ai tenu une conférence le Dimanche 13 Novembre 2022, en voici le résumé… 

conderence de Christian Fournie

 Le verre Mousseline Premier vitrage décoratif industrialisé.

Par Christian Fournié verrier décorateur. Maître artisan en métiers d’art.

Introduction :

Le verre mousseline, est un verre à vitre émaillé à chaud sur lequel est imprimé un décor constitué de motifs répétitifs inspirés des dentelles et rideaux d’où son nom « mousseline ». Première citation écrite en 1836 dans un rapport sur les arts chimiques en France. Au départ artisanal il s’agit en fait du premier vitrage décoratif industrialisé. On peut diviser son histoire en 4 actes : L’invention, les fabricants, le déclin et le mousselinage.

 

L’invention :

Pour simplifier, la fabrication du verre mousseline entre en scène avec un brevet principal déposé par le chimiste Dumas et le peintre verrier Godard à Lyon en 1841. Ce brevet fixe d’abord la composition chimique d’une peinture vitrifiable nommée encore aujourd’hui émail ou grisaille mousseline.  Ensuite ce même brevet décrit un procédé décoratif très simple d’enlèvement d’émail avant cuisson à l’aide d’un pochoir rigide et d’une brosse.

Cette innovation répond alors à un besoin d’intimité pour l’intérieur des demeures. Très décoratif, le verre mousseline permet de garder de la lumière et de cacher plus ou moins la vue suivant les modèles, tulles, classiques ou mats.

Grace aux progrès du chimiste Dumas dans les fabrications d’émaux vitrifiables et des verres de couleurs du verrier Bontemps, le vitrail devient une véritable industrie en France à partir de 1826. D’abord réservé à l’art religieux, la demande se tourne ensuite également vers la réalisation, de vitraux décoratifs dit « civil ». C’est dans ce contexte florissant que le verre mousseline s’inscrit pleinement.

 

Les Fabricants.

Entre 1836 et 1942 les fabricants se succèdent. En quelques dizaines d’années on passe des peintres verriers du début comme Georges Bontemps à Choisy le roi ou Laurent et Cie à Paris en 1843, aux verreries industrielles de la fin du 19ème siècle. Celles ci qui produisent alors des milliers de mètres carrés de verres mousselines. Les modèles se résument alors à une vingtaine et sont tous issus des centaines de modèles édités par l’atelier de Louis Napoléon Gugnon peintre verrier originaire de Metz . Les verres mousselines seront aussi déclinés en reliefs et en couleurs par la famille Picard sur près de 4 générations entre 1872 et 1942 avec des procédés de fabrications originaux.

 

Le déclin :

Il commence dès 1892 avec les fabrications de verres imprimés à reliefs d’inspiration « Art-Nouveau » par St-Gobain. Ces vitrages décoratifs plus grands plus épais plus dans l’air du temps signent la fin du verre mousseline. De plus à partir de 1920 la fabrication du verre plat évolue. Le verre n’est plus soufflé, mais étiré verticalement (Procédé Fourcault). Le verre mousseline émaillé à chaud est alors remplacé par ce que l’on appelle le « mousselinage » dans les verreries industrielles.

 

Le Mousselinage :

Ce terme se retrouve sur un catalogue St-Gobain Chauny et Cirey dès 1898. Il s’agit d’un métier artisanal qui reprend tous les codes du verre mousseline en termes esthétiques et graphiques. Il s’agit alors de les appliquer sur d’autre types de vitrages plus épais et plus grand à l’aide d’autres techniques à froid comme la gravure à l’acide, ou le sablage. En 1910 L’ingénieur Allemand Gutmann conçoit même une machine de sablage dédié au mousselinage. En 1920 l’atelier de Charles Gaston Picard s’installe rue Pascal à Paris. Il sera un des derniers à mousseliner du verre jusqu’en 1942.

 

En Conclusion :

le verre mousseline à existé sur près d’un siècle, traversant les styles décoratifs de la restauration jusqu’à l’Art-déco. Son succès est exemplaire dans la mesure ou il est né d’un réel besoin auquel les verriers de l’époque ont su répondre en innovant aux fils des années dans une longue transmission. Comme toute production industrielle le verre mousseline a un début, une apogée, et un déclin. Il devient désuet après 1950. Ensuite s’installe ce que j’appelle une distance temporelle entre sa disparition et le moment ou on commence à s’apercevoir qu’il manque. Ce vitrage fait partie de notre patrimoine à présent et plus que jamais :

« Ne jetez pas vos vitrages anciens, ils ont une histoire … »

Remerciements

Merci à l’équipe de l’office de tourisme et la communauté de communes du Minervois Caroux pour leurs oganisations lors de cette manifestation. Merci également à la Mairie de Siran pour l’accueil dans leurs locaux très bien adaptés et équipés.

C. Fournié Nov.2022

 

Laurent et Cie Paris 1843

Au départ c’est un rapport du Jury central de l’Industrie Française sur les Arts Chimiques de 1834 qui cite pour la première fois le mot “verre mousseline”. Il s’agissait d’un prix décerné au Maître de verrerie Georges Bontemps (1799 – 1884) alors directeur de la verrerie de Choisy le Roi. Un peu plus tard à Lyon en 1842, le peintre verrier Dumas et le chimiste Godard déposent un brevet sur la fabrication de verre à décor mousseline. En 1843 une des première collection de décors de verre à vitre Mousseline est éditée dans un catalogue de dessins de l’atelier Laurent et Cie à Paris.

ancien vitrage mousseline 1843

Verre mousseline Laurent et cie 1843

Laurent et Cie Peintre verrier

Fabrique de peinture sur verre

En fait il s’agit d’une reprise d’un atelier plus ancien qui appartenait à un certain Alexande Billard, chimiste et peintre verrier.

Le repreneur s’appelait Emile Laurent. Né vers 1802 au départ il est imprimeur à Bruxelles. Cet atelier sera renommé en 1843 “Laurent et Cie” 15 Rue Neuve-Ménilmontant à Paris. Emile Laurent à notamment travaillé avec l’architecte Debret de 1842 à 1847. Il réalisera des vitraux qui étaient destiné aux chapelles la Basilique St-Denis. En 1847 Gaspard Gsell dessinateur pour la Manufacture de Choisy le Roi de George Bontemps rejoint l’atelier d’Emile Laurent. Par la suite en 1860 cet atelier prendra le nom de « Laurent et Gsell » après le mariage de Gaspard Gsell avec la fille de son associé Emile Laurent.

1843 Un premier catalogue de modèle mousseline

Un Cahier de dessins divers

Ce document exceptionnel vient du musée Corning à New York. Celui ci à eu l’amabilité de nous accorder l’autorisation d’édition. Il s’agit du plus ancien catalogue de Verre Mousseline découvert à ce jour.

Ce catalogue est riche d’enseignements sur l’aspect des tout premiers vitrages mousselines. On y retrouve notamment des modèles courants comme le N° 1 , le N° 4  et N°16 ainsi que le N°47 qui ont traversés les époques et styles décoratifs jusqu’en 1900 et au delà…

peinture sur verre 1843

Tarif de la peinture sur verre

Tarifs des verres mousselines

Laurent et cie Vitrail

Premier catalogue de verre mousseline

verres mousselines 1843

verres mousselines anciens

vitre mousseline 1843

verres mousselines modeles 1843

motifs de vitrages mousselines

vitres mousselines 1843

Catalogue de modeles Laurent et cie 1843

Ancien dessin de verre mousseline

vieux verres mousselines

Laurent et Cie vitraux mousselines

Liens

Sources et Crédits

Document original: “Cahier de dessins divers” par Laurent et Cie 1843

Musée Corning New York.  Avec mes remerciements pour l’autorisation d’édition. C. Fournié.